Hommage à Le Guin et à Chulie

Je suis le président autoproclamé du fan club d’Ursula le Guin au Québec. Cette très grande auteure à la fois linguiste, anthropologue et spécialiste du conte m’a souvent ouvert des pistes de réflexion que je ne suis pas capable de refermer.

Acte-Sud a publié presque tout d’elle. Si vous le connaissez pas je vous conseille le magnifique « La main gauche de la nuit » probablement le plus grand roman d’amour du XX siècle. Sur cette planète ultrafroide, les gens sont normalement neutres, et lorsqu’il entre en période reproductrice, ils sont soit mâles, soit femelles, selon les circonstances. Qu’un terrien mâle se trouve en contact avec un jeune prince dans ce monde ultrafroid, dans la solitude des pôles et toute la complexité de la sexualité s’exprime en dehors de toute pornographie. Pour ma part, c’est « la vallée de l’éternel retour » un non roman inachevé, touffu, avec des passages géniaux et des passages franchement bâclés, une recherche fondamentale sur la notion de sacré, face à la nature.

Un petit texte que j’avais lu en 85, dont je pensais savoir des passages par cœur, et dont je ne retrouvais plus copie ici. Cette chère Chulie, grâce à son réseau d’amoureux des livres m’a retrouvé ce texte. J’écrirai quelque chose pour remercier sa copine Mosava, ( impossible de ne pas penser à Nokosa) qui a fait la passeuse. Ce texte s’appelle « L’auteur des graines d’acacia » 11 petites pages de pur bonheur.

Merci, merci beaucoup, c'est un tel plaisir de relire ce texte qui est pour moi un fondement. Cela m'a permis l'acceptation de la communication avec la planète comme possible, d'en faire un projet de recherche non pas scientifique, mais poétique. Cette opposition qu'il y a entre la communication et l'Art, étant mon lieu premier de réflexion. La communication étant de dire à l'autre, soi dans un cadre, l'art ne veut pas dire à l'autre, mais simplement exprimer l'état du monde.

Évidemment, l'art est une tentative totalement futile, ridicule, à quoi sert d'exprimer si ce n'est à l'autre? peut-être que celui qui pratique l'art n'a pas vraiment le choix. C'est peut-être aussi ce qui explique que l'art est difficilement acceptable dans son temps, tant la vision réelle de notre monde présent, nous est inacceptable avec nos appareils rationnels issus d'une conception de l'ancien monde.

Je tente de faire sentir le monde comme je le sens à défaut de pouvoir l'exprimer à l'autre.

J'avais oublié le concept de thérolinguistique : l’étude des langues des animaux sauvages, et pourtant c'est exactement cela que je fais. Et la question de l’existence du langage des plantes est centrale parce que si d'un point de vue thérolinguistique les plantes ne communiquent pas ( mais ne sont que des amplificateurs, ils sont un outil, un instrument de la communication animal). Cependant, du point de vue de la phytolinguistique, ce que nous percevons comme l'immense bataille des plantes pour l'occupation de l'espace, est et ne peut être autre qu'un acte de dire, d'affirmation de soi, contre et dans.

et qui sera: " le premier géolinguiste, qui, ignorant les chants délicats et transitoires du lichen, lira derrière ces chants la poésie encore moins communicative, encore plus passive, totalement intemporelle, froide, volcanique des pierres : chacune d'entre elles étant un mot prononcé, il y a si longtemps par la terre elle-même, dans l'immense solitude, dans la communauté encore plus immense, de l'espace."

j'en pleure...

Merci Mosava, Merci Chulie