Un bonjour de Namiko

Chrixtel disait hier qu’elle trouvait les chants de baleines oppressants. Pourtant, peut-être parce que je les fréquente un peu plus, elles me font l’effet inverse, une grande paix intérieure, le vrai bonheur. Je vous convie donc à une rencontre avec Namiko la jeune bélouga.

Le 30 août dernier, je reçois un message qui me demande un enregistrement d'eiders qui font ceci et cela. Bon j'ai un peu de chant d'Eiders en réserve, mais je ne peux répondre à une commande aussi précise par les archives. Alors, les producteurs m'ont fait parvenir un découpage de la séquence, il me faut trouver du son, et vite avant la tempête Katrina. Ils ont un bout de film qu'ils aiment beaucoup, mais le son est pourri.

Alors j'appelle un copain qui a un bateau dans ce coin-là je me trouve une voiture, la remplit d'équipements (je ne sais pas vraiment ce dont je vais avoir besoin) et on part. Et arrivant au petit quai, zut! il pleut pas mal, mais le vent est tombé, ce qui est bien dans ce coin-là, il n'y a pas de véritable quai à l'île et aborder à la petite plate-forme flottante, avec 50 kilos d'équipements divers sur le dos, c'est du grand sport. L'île, c'est L'Île aux Pèlerins ( les pèlerins étant les oiseaux) un refuge ornithologique dans le golfe Saint-Laurent.

Je suis chanceux, il ne pleut plus, les Eiders sont là où je les cherche, et ce qui devait prendre 4 ou 5 heures, je m'en tire en à peine 2. C'est bien de travailler souvent dans le même coin, on finit par connaître. On repart aussitôt parce que la pluie menace toujours, et qu'on craint un coup de vent, fréquent avant que la pluie recommence. Je t'avoue qu'avec Katrina qui s'en vient ça me tente pas du tout de passer la fin de semaine sur l'île sous la pluie presque constante et en espérant que la petite tente de secours tiendra le coup. Même les hélicos auront beaucoup de difficulté à voler.

C'est le Nord, la température est très changeante, la mer brutale, on doit respecter la nature. mais même sous ce ciel gris où glisse des nuages de brume, le Nord réussi à être très beau. Nous allons vers un autre quai plus sur, et tout à coup fonce vers nous le clan de Cacouna. Le clan de Cacouna est une famille ( élargie) de Bélugas, ces superbes petites baleines toutes blanches. Ce clan est très connu, il vit presque toujours dans le même coin, est très familier, et surtout est un des rares clans de bélugas à être en excellente santé.

Un des personnages les plus célèbres de ce clan est Hélis qui porte ce nom parce qu'il a assez grosse cicatrice d'hélice sur le dos ce qui fait qu'il est très facile à identifier. Il s'est fait beaucoup connaître au début de l'année parce qu'il a remonté le fleuve Delaware aux USA, jusqu'à 300 Km de la mer. Il a maintenant 30 ans, et moi je crois qu'il est allé dans ce coin là parce qu'il cherchait Washington et Bush, pour lui dire de cesser toute la merde qu'il fait à la planète.

On appelle les bélugas : le canari des mers, tant leurs capacités vocales sont étonnantes. Ils produisent plus de phonèmes que les humains, et sont capables de faire plusieurs sons en même temps parce qu'ils ont plusieurs organes produisant des sons, ( voix, écholocation courte distance, écho longue distance etc..) Plus ils sont capables de siffler et ont de bons talents d'imitateur.

Tempête qui vient où pas on coupe le moteur et on se laisse entourer. Presqu'aussi tôt, trois membres du clan se collent aux bateaux pour que leurs voix passent à travers la coque. Je reconnais ( enfin, je crois) presque aussi tôt Namiko et son bonjour particulier. Elle tente d'imiter mon: " belle fille, bonne fille" un peu traînant que sans trop m'apercevoir, je lui ai très souvent répété. Comme à chaque fois, une grosse boule me monte dans la gorge et j'ai une petite larme qui sort. Comme ne pas être le plus heureux du monde, quand le monde vous salue et vous montre sa beauté...Je me sens totalement "dans" je participe à la chorale du monde.

Mais ces moments ne sont jamais aussi longs qu'on le voudrait. Après deux minutes, sur un signal que je n'ai pas entendu, la troupe repart, les petits devant jouant à la fusée, exprimant la simple joie de vivre, et me laisse un vide énorme. Que j'aimerais les suivre, que j'aimerais être une baleine, pour participer à ce joyeux chant.