Poème du Dimanche : La Marche à l'amour

Je cherche le texte du jeune poète Alexis Lapointe : « Parasitaire » fichument difficile à trouver, mais totalement magnifique. Si quelqu’un a un indice… Pour ce dimanche la première partie d’un immense texte, tant par sa taille que sa beauté d’un immense poète pas connu en Europe et c’est bien dommage…

Gaston Miron, est le premier des poètes de la rupture. Un homme qui clame son amériquanité. Il reconnaît son statut de colonisé tant par les Anglais que par les Français et cherche à se construire en dehors de ces contraintes comme humain. Inutile de dire que cela me va droit au cœur.

« La Marche à l’amour » se veut la recherche d’une nouvelle Femme pour un Nouveau Monde. Espérant vous faire rêver un peu d’un amour tellement premier et différent qu’il sera un renouveau du monde…

Tu as les yeux pers des champs de rosées

tu as des yeux d'aventure et d'années-lumière

la douceur du fond des brises au mois de mai

dans les accompagnements de ma vie en friche

avec cette chaleur d'oiseau à ton corps craintif

moi qui suis charpente et beaucoup de fardoches

moi je fonce à vive allure et entêté d'avenir

la tête en bas comme un bison dans son destin

la blancheur des nénuphars s'élève jusqu'à ton cou

pour la conjuration de mes manitous maléfiques

moi qui ai des yeux où ciel et mer s'influencent

pour la réverbération de ta mort lointaine

avec cette tache errante de chevreuil que tu as

tu viendras tout ensoleillée d'existence

la bouche envahie par la fraîcheur des herbes

le corps mûri par les jardins oubliés

où tes seins sont devenus des envoûtements

tu te lèves, tu es l'aube dans mes bras

où tu changes comme les saisons

je te prendrai marcheur d'un pays d'haleine

à bout de misères et à bout de démesures

je veux te faire aimer la vie notre vie

t'aimer fou de racines à feuilles et grave

de jour en jour à travers nuits et gués

de moellons nos vertus silencieuses

je finirai bien par te rencontrer quelque part

bon dieu!

et contre tout ce qui me rend absent et douloureux

par le mince regard qui me reste au fond du froid

j'affirme ô mon amour que tu existes

je corrige notre vie



nous n'irons plus mourir de langueur

à des milles de distance dans nos rêves bourrasques

des filets de sang dans la soif craquelée de nos lèvres

les épaules baignées de vols de mouettes

non

j'irai te chercher nous vivrons sur la terre

la détresse n'est pas incurable qui fait de moi

une épave de dérision, un ballon d'indécence

un pitre aux larmes d'étincelles et de lésions profondes

frappe l'air et le feu de mes soifs

coule-moi dans tes mains de ciel de soie

la tête la première pour ne plus revenir

si ce n'est pour remonter debout à ton flanc

nouveau venu de l'amour du monde

constelle-moi de ton corps de voie lactée

même si j'ai fait de ma vie dans un plongeon

une sorte de marais, une espèce de rage noire

si je fus cabotin, concasseur de désespoir

j'ai quand même idée farouche

de t'aimer pour ta pureté

de t'aimer pour une tendresse que je n'ai pas connue

dans les giboulées d'étoiles de mon ciel

l'éclair s'épanouit dans ma chair

je passe les poings durs au vent

j'ai un coeur de mille chevaux-vapeur

j'ai un coeur comme la flamme d'une chandelle

( la suite plus tard) Gaston Miron (L'Homme Rapaillé, Montréal, l'Hexagone, 1994)