Il faut parfois le dire :

J’avais une belle petite histoire où je tombe à l’eau, mais non plutôt je me jette à l’eau, l’autre billet attendra à demain. Le problème : qu’est-ce que la civilisation.

Nziem, à son habitude, nous fait un compte-rendu de ses lectures. Cette fois-ci, c’est le roman d’une jeune russe qui s’installe dans une tribu d’Inuit tchouktche. Oui oui les Tchouktches sont des Inuit. Exactement le même peuple qui a traversé le détroit de Béring en passant par la banquise, et qui a déplacé un autre peuple qui vivait là, les Dorsets. Cela s’est passé il y moins de 1000 ans.

Le roman raconte aussi « qu’en 1949, les envoyés de Staline persécutent les nomades et s'emploient à ce que la Tchoukotka devienne une région de collectivisation totale. » le premier commentaire du billet est très clair : c’est de l’anticommunisme primaire. Comme s’il n’y avait que les communistes qui agissaient comme cela.

Non ce qui s’est passé là-bas s’est passé partout. C’est la civilisation en marche. Les Russes, forts du droit, du savoir, de la religion, et de la technologie ont décidé de sortir les Inuit de leur misère, et au nom du progrès ils ont organisé le territoire.

Au Canada, on s’est servi de l’éducation. La police a eu mandat d’enlever les enfants amérindiens et Inuit pour les « instruire » dans les pensionnats autochtones. Dans ces pensionnats, des prêtres et des religieux, forts du droit, du savoir et de la religion, ont appris aux enfants de la forêt qu’on ne parlait pas la langue des sous-hommes, et qu’il y avait qu’un seul dieu, le dieu des blancs. Battus et violés jusqu’à ce que cesse toute opposition, le Canada si généreux a voulu civiliser ces sauvages qui ne participaient pas à la société. De plus ils occupaient d’immenses territoires, dont le progrès a besoin.

Bien sûr, je parle d’un temps très lointain, on agit plus comme ça maintenant. Le dernier pensionnat a été fermé en 1990. Maintenant on les enferme dans des réserves pour les empêcher d’utiliser les ressources de leurs territoires et on les nourrit au fast-food en espérant qu’ils meurent de diabète faute de mourir de désœuvrement et de désespoir. Les deux tiers des réserves n’ont même pas d’eau potable. Mais bien sûr, c’est pour leur bien, c’est pour leur donner l’éducation moderne et des services de santé efficaces. La civilisation quoi.

Il n’y aura jamais de bons sauvages. Il y a ceux qui s’intègrent et qui n’en sont plus, et les autres, ces criminels, ces alcooliques, ces fainéants qui refusent les bienfaits de la civilisation, et qui nuisent au développement.

Ce qui m’étonne le plus c’est qu’ils réussissent à survivre. C’est vrai qu’ils survivent depuis plus de 10 000 ans sur leurs territoires, ils réussiront bien à survivre à la civilisation.