La lame de Ramah--- Un récit Inuit (seconde partie)

Voilà, tel que promis, la suite. il est possible de lire la première partie ici. J'ai préparé des photos pour mettre dans le texte, mais mon serveur ne rien rien savoir de moi aujourd'hui. Dès qu'il redeviendra de meilleure humeur, je les metterai en ligne. J'aime beaucoup vos commentaires. Cela me permet d'améliorer la lisibilité du texte. Si vous pensez que c'est trop négatif, donnez les moi par courriel.

Après la collation du départ, Qalingu se met en route, la tête en doute sur sa destination, mais le coeur plein du sourire de Mitiarjuk...

La journée est belle, la neige est ferme et les chiens veulent courir. Midi vient juste de passer quand Qalingu voit le troisième Inouksouk, ça va vite. Les inouksuit (forme d’humain) sont des cairns de pierre que les Inuit placent pour marquer la route et aussi comme point d’observation et de rencontre. Ils trônent sur les collines qui bordent les chemins.

Le quatrième est sur la piste juste en haut de la grande chute et après Qalingu sait qu’il y en a deux autres mais, il ne les a jamais vu. Ce n’est pas le temps de s’arrêter, tant que les chiens voudront courir, l’homme voyagera sur son estomac. La route est trop longue et il a besoin de la vitesse.

Le grand Inuksuk de de Saluit, un midi de janvier

Il a fait souvent cette section de la piste qui courre le long de la Korsoak. C’est la bonne route pour chasser le caribou, pour venir chercher le bois de bouleau et le bois de sapin qui sert à faire les lits. Les Inuit ne brûlent pas le bois pour la cuisson ou pour se chauffer. Il est beaucoup trop rare, On se sert de la lampe à l’huile, huile de phoque ou plus rarement de baleine. Le gras de baleine est tellement bon que c’est une perte d’en faire de l’huile à chauffage. Parfois, il n’y a rien d’autre.

La neige est tellement brillante qu’il a du mettre l’Iggaak, un bandeau sur ces yeux pour ne pas devenir aveugle, Il faut limiter la quantité de lumière qui entre. L’air est tellement sec qu’il a soif, très soif. Mais tant que les chiens accepteront de courir il laissera glisser le traîneau. Le bruit des patins est strident, mais rien ne l’arrêtera, tant que les chiens tiendront le coup. La grande rousse est vraiment vaillante, elle aura droit à une portion supplémentaire au repas du soir.

Ils courent vers le soleil, Qalingu sait que les chiens auront mal au yeux lorsque le soleil sera bas. C’est mieux de voyager la nuit, la neige est plus sèche et les étoiles sont tellement brillantes dans le ciel sec de l’Arctique, que la piste se voit mieux que le jour. Cependant les chiens ne voudront pas tirer après cette folle journée, ils auront besoins de repos et de nourriture. Mais tant que le traîneau glissera, il n’est pas question de freiner les chiens.

La piste monte de plus en plus. Bientôt elle dominera la grande chute. Les chiens tirent encore mais se fatiguent. L’homme connaît un très bon endroit de campement juste en haut de la grande pente. Il sait qu’il y a une cachette de nourriture aussi. Cela lui permettra d’économiser ses maigres réserves, après tout Qalingu ne sait pas combien de temps durera le voyage, puisqu’il ne sait pas où il va.

Bonne chienne, bonne Kajualuk, elle connaît aussi la cachette le long de la piste où il sera facile de faire le campement. Un dernier effort et elle ralentit le train, pour l’arrêter pile à deux pas d’une plate-forme de neige bien tassée qui a servi à faire un iglou. Le voyageur détache ses chiens et distribue les portions de phoque déjà préparées. Ils doivent d’abord manger beaucoup de neige, ils ont tellement soifs. Lui aussi boira un peu avant de sortir le grand couteau pour rapidement faire les blocs et monter l’abri. Qalingu est très fier de son pana (couteau à neige). Fait du bois très dur d’andouiller de caribou, Il est tellement fort qu’il peut découper la viande. Mais pour couper la peau, ça prend le couteau de pierre. Ce qui est le plus long pour faire un iglou, c’est taper la neige qui servira de sol. Lorsque c’est fait, une heure suffit à monter un refuge de voyage.

Un Iglou de voyage construit somairement, éclairé par la lampe de chauffage. La très longue exposition rend le ciel et l'iglou plus clair qu'en réalité.

Ce sera bon de dormir un peu. Les chiens n’ont pas besoin d’Iglou, et ils dorment déjà enrouler dans la neige. Pour l’homme il faut encore, allumer la lampe à l’huile, pour dégeler le repas, pour faire le thé, pour faire sécher les bottes. Ce sont des gestes d’habitudes, qu’on accomplit lentement, en sachant leur importance, mais en se permettant de rêver un peu. Ce sont les gestes de la vie…Ha! si Mitiarjuk était là… Il serait plus facile de trouver la chaleur entre les fourrures.

Les chiens accepteront-ils de partir au milieu de la nuit ? Probablement pas, ils sont trop fatigués. Et cela ne sert à rien de lever le campement pour en faire un autre 2 heures après. Il vaut mieux dormir. Il vaut mieux laisser le temps faire son œuvre. La route sera meilleure.

Le vent réveille Qalingu au milieu de la nuit. L’iglou est trop récent, la neige n’a pas glacée, aussi le vent est en train de le détruire. Vite s’habiller et aller faire un mur coupe-vent. Par chance ici, il pousse des petits bouleaux. Non seulement, il est facile de faire un mur de protection mais il peut le renforcer de branchage qui garderont la neige en place. Après le vent, pourra souffler tant qu’il le veut, l’Iglou sera sur.

Tout ce mouvement réveille les chiens. Ils sont inquiets de voir l’homme s’agiter ainsi. Une nouvelle distribution de viande calmera tout le monde. Et rien ne vaut dormir quand on a le ventre plein. Il faut quand même s’assurer que la cachette de nourriture n’a pas été pillée. Cherchons-là près du Cairn. C’est facile, le vent à un peu dégager de son enveloppe de neige, les pierres qui protègent le sac de fourrure. Il y a dedans un demi-caribou et un sac plein de thé, magnifique. Gelée aussi dure que la pierre, la viande ne sent rien. Si cela dégèle, les pillards de la forêt auront vite fait de vider la cache.

Maintenant il n’y a rien à faire d’autre que de se reposer. Il fait bon dans l’Iglou, le thé est maintenant très fort avec beaucoup de tanin. En y ajoutant un peu de neige, il aura la température et le goût que préfère l’Inouk.

Qui m’appelle? Où va ce chemin ? quel est ce lac vu dans le rêve? Il s’endort pendant que ces questions tournent dans sa tête. Il les laisse tourner d’autant plus qu’il espère avoir un rêve qui sera une réponse. Mais non, ses rêves ne sont qu’un retour à la grande course de la journée, et au bruit du vent dehors. Ce bruit qui pourrait être un signal d’un être de l’autre monde, mais qui ne parle pas à Qalingu. Ou l’homme ne le comprend pas.