Le rôle de l’ours

J’ai plusieurs fois parlé des différences qui existent entre les ours. Entre un petit noir et un grand blanc, entre ursus horribilis (le grizzly) et un panda, il y a la distance entre un petit faon peureux, et un taureau qui charge. L’ours pourtant le plus fréquent dont je n’ai jamais parlé, c’est le nounours, l’ours en peluche que traînent presque tous les enfants d’occidents.

Ce qui m’en fait parler c’est la magnifique illustration de Cali. L’ours y est représenté dans une dimension rarement mentionnée. Oui, il sert de lieu de tendresse, oui, on lui répète les consignes du savoir-vivre, l’ours ne sait pas vivre en société. Il est aussi l’ami des pourquoi, non pas celui qui répond, mais celui qui accompagne dans le chemin du questionnement.

L’ours est le sauvage, il est de la forêt. Il sait qu’on ne repasse jamais au même endroit, le sentier se continue sans fin. Bien sûr, si on ne regarde pas, la route c’est toujours de la route, et ça ne ressemble qu’à de la route. Pourtant si l’ennui est évident, la vie se cache dans les détails et c’est par les détails qu’on voit que chaque pas nous entraîne dans un monde neuf. Le sentier, cela ne s’explique pas, ça se marche, c’est ce que l’ours connaît.

L’ours sait aussi l’importance d’apprendre à marcher. Parce qu’il n’y a qu’en avançant qu’on trouve quelque chose. Alors, il faut chercher. Oui, il y a maman qui gueule parce que cela ne va pas assez vite, mais à quoi cela peut bien servir d’aller vite si on ne voit rien? Oui, il est important de marcher parce qu’il faut apprendre à danser. Danser c’est se dire dans le monde, c’est s’accorder au monde.

Oui petite fille, je vais te suivre. Avec la ferme intention de découvrir avec toi, ce que dit la route. Merci de m'inviter à marcher avec toi. Je ferai si nécessaire le spectacle de ma force pour faire fuir ce qui t'empêcherait d'avancer. Mais tes pas sont tes pas, je T'accompagne, je ne te précède pas. Nous sommes « ensemble/seul » même si on veut nous faire croire qu'on est « seul/ensemble » on tente de nous isoler de nous faire croire que la communication n'est pas possible, alors que c'est la vie sans communication qui n'est pas possible. Nous sommes vivants donc communicants.

Il n’y a pas de réponses parce que la route est toujours neuve. Je ne peux pas savoir ce qu’il y a après. Tout ce que je peux apprendre c’est à être prêt. Et la seule façon d’être prêt c’est de voir le monde tel qu’il est, ni comme je voudrais qu’il soit, ni comme on voudrait me fait croire qu’il est.

Je suis l’Ours. Je suis le sauvage dans la vie de l’enfant. Celui qui veut faire voir la vérité de la tendresse, plutôt que de cacher la vérité par la tendresse.