Histoires du Nord
dimanche 11 mars 2007, 15:32 General Lien permanent
Une histoire que j’ai entendue hier. J’aurais bien aimé connaitre la source, mais le conteur ne l’avait pas. On pourrait appeler cela : L’insecte.
L’histoire se passe récemment. Après que la police des blancs ait tué la plupart les chiens pour sédentariser les Inuit. Un grand-père et un enfant sont assis devant une maison construite par ceux du Sud. Une maison avec un bain et des éviers, même s’il n’y a pas d’eau courante dans le village. L’enfant manipule un pot de verre avec un insecte dedans, il discute avec le vieillard en Inuktitut.
Il y a un blanc qui descend la rue. L’enfant l’interpelle.
-Tu connais ça toi?
-Bien sûr, c’est une libellule.
L’enfant traduit pour le vieillard en cherchant un mot pour libellule, et ne trouve pas, alors il dit : nouvelle grosse mouche.
Le blanc content de ses connaissances, dit :
-C’est une bonne chose parce que les libellules mangent les moustiques.
L’enfant traduit de nouveau en disant que c’est une mouche tueuse de mouche.
Le vieillard ouvre de grands yeux. On lit la catastrophe sur son visage. Il dit : -Les caribous viennent au bord de la mer parce qu’en haut il y a trop de moustiques. Si cette mouche qui mange les mouches arrive ici, les caribous ne viendront plus à la mer. Que mangerons-nous?
Commentaires
une histoire fort bien trouvée qui me fait croire que les humains vivent sur la même terre mais décidément pas sur la même *planète*... en attendant j'imagine que les moustiques n'ont pas grand chose à crainde pour le moment, non?
Candy--) je doute beaucoup qu'ils risquent la disparition à court terme. Il en reste encore un certain nombre (de milliards).
ok je n'avais jamais compris l'utilité des moustiques :elle est louable . as tu une source pour les puces qui me dévorent dés que j'ai le malheur d'approcher un de leur taxi : chien chat... Ceci dit ça nous rend tout petit comment comprendre l'équilibre de cette terre quand il tien au battement d'aile d'un papillon pardon d'une libellule?
Pas sur, je te fais un courriel là-dessus.
Et voilà, je vais être obligée de temporiser les envies de meurtre et de génocide qui me prennent au réveil d'une moitié de l'année, quand je gratte avec fureur le résultat d'une surprise-party nocturne à laquelle étaient conviés les moustiques du quartier. Et ne me parlez ni de citronelle, ni de parapic, ni de prise anti-moustique ça ne marche pas !!! C'est moi qui sert d'anti-moustique au reste de la maisonnée.
Mais c'est promis, je prendrai une grande respiration et je méditerai l'histoire de la libellule à chaque fois que j'entendrai zonzonner au dessus de mon oreille.
Mais vous ne m'empêcherez pas des les haïr tous les matins...
Il y a des jours où je comprends les amoureux de l'esperanto, qui aimeraient qu'on parle tous la même langue...
Oui, mais le jour où nous parlerons la même langue, aurons-nous quelque chose à dire?
Et puis l'esperanto, ce n'est pas une langue: c'est un langage qui n'a pas de possibilité de subversion, pas d'humour, pas de possibilité de double sens...
Il faut juste espérer que l'homme blanc se soit assis à côté du vieil innuit, pour réflechir, pour dire, "ah oui, chez moi c'est pas pareil..." et que l'enfant, les écoutant, puisse se dire qu'une libellule peut être le gracieux signe du printemps, et l'annonce innocente de la famine terrible.
Et qu'au bout du compte, ils aient bu un coup en parlant de leurs amours passées, parce que cela est une chose universelle.
Quant à ce qu'en entendra l'enfant- fille ou garçon?
« Et puis l'esperanto, ce n'est pas une langue: c'est un langage qui n'a pas de possibilité de subversion, pas d'humour, pas de possibilité de double sens... »
C'est sûr que si tout le monde prend ses préjugés pour la réalité, on ne va pas s'en sortir.
Tu as fait des recherches avant de pouvoir affirmer cela ?
Mutusen--) je ne sais pas, je ne connais pas du tout l'Espéranto, ce n'est jamais venu dans le Nord. Mais j'ai confiance en Anita, elle a de grandes connaissances et un esprit scientifique vraiment solide.
Merci Moukmouk!
Mutusen: Bonan tagon.
je sais que ce que je dis de l'esperanto blesse toujours ses défenseurs, parce qu'ils mettent un réel espoir dans ce langage, auquel ils attribuent la vertu de gommer les impossibilité de compréhension entre les gens. Si je fais la différence entre langue et langage, c'est que ce dernier ne prend en compte que la dimension explicite de la communication. Ce que font les personnes autistes, par exemple. Si je dis devant quelqu'un: " tu as l'heure?", s'il est autiste, il va répondre : "oui", parce qu'il ne pourra être sensible à la demande implicite qui est: "peux-tu me la communiquer?". La réponse attendue étant "oui, il est cinq heures".
Une langue est farcie de ce genre de double sens et a toujours une infinité de dimensions. on peut en savoir autant sur une société en étudiant ses mots que ses absences de mots. Que le mot vacance n'existe ni en chinois ni en breton, que le mot "art" n'existe pas dans la plupart des langues africaines, parce que la beauté n'est pas l'apanage d'un certain nombres d'artisans, mais la tâche de tous, tout cela DIT quelque chose des codes entre les gens, que l'espéranto ne peut dire universellement.
On aura beau faire, que les innuits aient besoin de plus d'une dizaine de mots pour désigner la glace ne disparaîtra pas, car la décrire précisément est condition de survie dans le Nord.
Que nous nous mettions à parler tous l'espéranto, et bientôt, les contraintes diverses dans lesquelles nou vivons, les habitudes de vie, le besoin de créer des codes, nous possera à le triturer, le déformer, lui faire des petits, lui créer des sous entendus.
alors, peut-être, on pourra parler de langue-mais justement parce qu'en devenant diffferent du nord au sud, il se sera chargé d'alluvions porteurs d'une infinité de sens, tributaires de la géographie, de l'histoire, du climat et du hasard des rencontres. (et tout sera à recommencer!)
Pour l'instant l'espéranto est un langage parfait pour demander un café. Pas pour écrire Romeo et Juliette.
Anita--) je partage tout à fait ton propos et merci de l'avoir rendu clair. J'insisterais d'avantage sur l'idée de culture. Le langage sert de lien et d'identification à un petit groupe. Les groupes d'ados créent des expressions, des agots qui leur servent à se différencier des autres. Un des rôles du pouvoir de l'état est justement de condamner ces dérives et de dire ceux qui parlent comme nous sont les bons alors que les autres sont les mauvais(en exagérant un peu pas mal). Mais cette inclusion-exclusion en tentant de s'élargir à des groupes plus larges perd justement son rôle identificateur.