Nouvelles du Nord

Il y a le Nord. Il y a le Nord du Nord. Le pays qui dégèle un peu en surface sous l’action du soleil de minuit, mais dont le cœur est de glace. Je ne sais pas ce qui me lit à cet espace plus que pays. Je ne comprends pas vraiment ce qu’il me dit, mais son chant quitte rarement mon oreille.

Q’est-ce qui m’attire là-bas? Ce n’est pas un pays adapté à l’homme. Tout est trop. Trop froid, trop grand, trop lumineux, trop tempétueux, trop exigeant pour qu’il soit possible d’y vivre comme les humains ont appris à vivre. A moins que ce soit le sens même du mot humain qui soit en cause. À moins que ce soit ce qui donne un sens aux choses qui soit en cause.

Pourtant il y vit des gens. Des gens qui, chaque jour pose les gestes d’une vie forcément différente, des gens qui se sont adaptés à ce qui nous semblerait l’inadaptable. Les Inuit vivent dans ce que nous appelons l’extrême pauvreté parce que la terre qu’ils habitent est selon nos critères extrêmement pauvres. Pas d’arbre, pas de légumes qui poussent, très peu de fruits, la mer ou le marais et ses milliards de moustiques affamés pour l’été. Le froid venteux et la nuit pour l’hiver.

Ces héros de l’adaptation se sont même adaptés à nous. Ils sont multilingues, informés et politiques. Mais ils sont restés quand même ce qu’ils sont. Gens de l’extrême, de la solidarité nécessaire, gens de la survivance dans ce monde qui change tellement rapidement. S’il y a des survivants aux changements climatiques, je demeure persuadé que ce sera eux. Ils savent qu’il ne sert à rien d’imposer sa vérité. Il ne sert à rien d’avoir raison contre l’environnement, il faut s’y plier, en gardant en soi l’essentiel : ce qui donne un sens à la vie.

Dans le Sud, nous sommes dépendants de tellement de réseaux. Les routes, les aqueducs, les égouts, l’électricité, les transports pour la nourriture, les usines, pour les vêtements, et je pourrais continuer longtemps à décrire ces dépendances qui nous font prétendre que nous sommes libre. Combien de jours survivraient une ville comme Paris, Montréal, New York si la distribution alimentaire cessait? Combien de jours avant que les habitants de ces villes ne s’égorgent pour manger l’essentiel de l’autre? Aurions-nous le temps d’apprendre que la solidarité est nécessaire à la vie?

Là –bas, les gens du Sud ont construit des maisons avec des bains, mais il n’y a pas d’eau courante. Alors les bains servent à garer le poisson. Là-bas, il y a un frigo pour tout le village et c’est la responsabilité de tous qu’il y ait à manger pour tous. Là-bas on sait qu’on est important parce qu’on est important pour les autres. Là-bas, je suis essentiel pour l’autre parce que l’autre est essentiel à ma survie.

Dans ce monde noir et blanc de l’exigence, dans ce Nord du Nord, je ne sais pas ce que j’y trouve, mais je sais que c’est essentiel.