Nommer et définir

C'est définitif. J'ai arrêté la chose aux mots qui la compose. Je nomme donc je domine. Pour cela je mets une forme à la chose, je lui impose des frontières et à l'intérieur je remplis la chose de mots jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus bouger.

Mais la continuité du monde, se moque bien des frontières que je tente d'imposer. On dit un homme, et la frontière de la chose est sa peau. Comme si les odeurs de cette homme ne s'étendait pas loin au delà de sa peau, comme si ses mots, ses sentiments, son regard n'était pas la continuité de ce qu'il y a en dedans. Et puis son amour qui agit sur l'autre et qui fait que l'autre est aussi lui en partie.

Et qui serait cet homme sans les liens qu'il a avec son amour et tous les autres? A chaque fois qu'une rame de métro avale une ration d'humain, il y a des dizaines de fantasmes qui naissent, et font des liens entre tous ces gens. Je vois ces liens, et l'évidence que sa peau ne réussit pas à contenir ce qu'est un humain.

Exemple: il fait si beau. Lucie a mis une robe lègère qui lui va si bien. Lucie est amoureuse, et va rejoindre son amant sur cette terrasse... La joie qui sort de Lucie est évidente, les gens sur la rue ressente le bonheur de Lucie et se disent : ha! Il fait beau. Son amant la devine dans la foule, et la tension des liens augmentent, ce qu'on aurait plus définir comme des gens sur la rue, sont maintenant un groupe...

Bon dans nos villes, il y a beaucoup trop de Lucie amoureuse, de Rachelle qui pleure, de Pierre perdu, de Jean joyeux, si je me laisse aller à la ville, je ne serai plus moi, je ne me trouverai plus. Comme si ce « moi » avait une existence en dehors de ces liens.

Je dis souvent que les humains ont tellement vécu longtemps en clans, que le mal de notre monde est de ne plus pouvoir le retrouver. Dans un clan, le réseau de ces liens est connu et rassurant, dans une ville il y a tellement tout le temps de liens nouveaux que je dois m'enfermer dans ma peau, me boucher les oreilles, m'empêcher de sentir, sinon, j'aurai l'impression d'être si distendu, de couvrir une si grande surface, que je n'aurais plus de substance. Mais en m'enfermant en moi, j'implose, je m'effondre en un petit point parce que je n'ai plus de support. Alors il faut que j'affirme haut et fort que j'existe et dehors de mes liens. C'est ridicule, je me coupe ainsi de l'essentiel de moi-même.

Il y a un équilibre à trouver, entre l'explosion et l'implosion, et c'est avec d'autres que je le construis. J'espère que ça répond à la question.

Bizarre l'écriture des blogs. Je voulais écrire un truc sur l'origine du mot: Algonquin. Il faudra que je me reprenne demain, parce mes doigts sont allés dans une autre direction.