Tshinanu

Grâce à la merveilleuse chanteuse Chloé Ste-Marie, je tombe sur un poème très particulier de la poète Joséphine Bacon : Rateriioskowa.

Joséphine Bacon est une poétesse et cinéaste Innue, ceux de la Taïga et de la forêt boréale. Ces humains marchent dans les immenses territoires mais très pauvres, à la suite des caribous l'hiver, avec les saumons l'été. S'il y a encore des gens de la forêt, c'est là qu'il faut les chercher.

Combien sont-ils? On dit 15 000 mais je doute que personne ne les ait compté. Et quand on est adapté à ce point au pays, difficile de faire la différence entre le pays et eux. Où on voit le pays et on les voit, ou on ne voit qu'un obstacle au progrès, un problème, une abération de l'Histoire, un non-sens. Mais quinze mille dans un territoire plus grand que la France, cela peut sembler ridicule. Cependant cela représentent probablement la taille maximum de la population que ce territoire peut nourrir, dans le mode de vie des nomades: Ne prendre que ce qui tombent, que ce qui est donné.

A l'opposé, des gens pratiquaient l'horticulture sur les terres proches au Sud de la terre Innu. Des gens qui sont l'exact opposé des Innus et c'est pourquoi ils les appelaient les Iri Akoï, les vrais serpents. Eux se nommaient Kanien'kehà: Ka ( le peuple de la pierre de feu) en autant que les consonnes de la langue française peuvent reproduire leur langue. Pour faciliter l'explication, appelons les Agniers.

Pour les hommes de cette culture, la voie du guerrier représentait le summum de l'accomplissement. Ils pratiquaient des formes extrèmement violentes d'auto-mutilation et de scarification pour prouver qu'aucune douleur ne pouvait les atteindre. D'ailleurs ils sont toujours reconnus pour n'avoir peur de rien, et quand il est temps d'aller marcher sur des poutres d'acier au centième étage, c'est à eux qu'on le demande. Vous les connaissez sans doute sous le nom de Mohawk : ce qui en langue de la forêt signifie : mangeur d'homme, parce qu'ils mangeaient effectivement leurs prisonniers de guerre si ceux-ci avaient été courageux, et pour s'approprier leur courage. Autrement on se contentait de les torturer à mort pour le plaisir de mépriser celui qui crie sous la souffrance.

La voie du guerrier, celle des stoïciens, celle des samouraï, même si elle me révolte, ne peut être rejetée comme simplement barbare. Il faut lire les grand texte du Bushido, où Séneque ou Marc-Aurèle, et comme il doit être auto-satisfaisant de s'engager dans cette voie tellement exigeante du renoncement suprême.

Tout cela pour simplement expliquer le contexte. Quand la poète Joséphine Bacon écrit un texte dans la langue du peuple ennemi depuis 4000 ans, ce peuple qui valorise ce que nous réprouvons, et qui choisit de détruire la Terre, pour son propre développement, elle choisit de parler du coeur de l'opposition : Rateriioskowa: la voie du guerrier. (Je ne peux pas le traduire, mais dès que j'aurai une traduction valable, je la mettrai en ligne).

Pourquoi? Tshinanu. Une traduction littérale serait : les Innus ensembles, on pourrait donc dire le peuple Innu ou quelque chose du genre. Mais la poète sait maintenant que ce que les humains doivent affronter demandera que chacun prenne conscience de sa réalité d'humain. C'est notre survie qui est en cause. Aussi elle le dit à son ennemi, pour le dire à chacun de nous: il n'y a maintenant qu'une seule voie: Tshinanu : Tous ensembles.