Le socio-constructivisme pour moi, billet sans danger!

J'allais écrire le socioconstructivisme pour les nuls, mais en l'occurrence le premier nul c'est moi. Dans le billet précédent, Saveur m'a montré du doigt et accusé de cette maladie étrange, alors je vais «gratter le bobo ».

Il y a bien des sortes de constructivismes et je ne veux pas rentrer dans les batailles de chapelles qui font rage présentement. Comme c'est d'abord une théorie épistémologique donc utile pour l'enseignement, inutile de vous dire que plusieurs de ceux qui enseignent sont prêts à mourir pour dire que leurs méthodes d'enseignement sont les bonnes. Eh oui, c'est une thèse Kantienne et la phénoménologie y a beaucoup d'importance, mais on n'entrera pas dans ce genre de complications.

En très gros, Kant nous a appris que nos sens ne nous donnent pas la vérité, pas plus que les mots. Dans mon interaction avec le monde « je » me construis une vision du monde qui a une certaine cohérence. Je reconstruis aussi continuellement l'histoire de ma vie, pour rendre cohérente mon action dans le monde. C'est essentiellement ce que fait la psychanalyse et la psychologie, m'aider à reconstruire mon histoire pour me la rendre acceptable.

Pour le socio-constructivisme (avec et sans tiret) cette construction, je ne la fais pas seul, mais avec le goupre avec lequel je suis en relation. On voit tout de suite que selon les définitions de « je » et de « groupe » il y a de la place pour écrire quelques milliers de thèses de doctorat.

Je retiens pour tout de suite, que dans la construction et la re-construction de « mon histoire », mon identité, c'est pour l'essentiel les relations que j'ai avec mon groupe qui me définiront. « Le loup boiteux » est boiteux parce que ce sont les relations avec son groupe qui le définit.

Je retiens aussi qu'il n'y a pas d'enseignement possible. Au mieux on peut montrer comment apprendre. Le « s'éduquant » apprend par la relation avec son groupe, et c'est cette relation qui définit la réalité. Le médiateur en avant de la classe a pour rôle d'identifier les blocages entre les membres du groupe qui empêchent le « s'éduquant » d'avancer dans sa démarche de prise de conscience du monde. C'est pour ça que la fonction passée et peut-être actuelle de l'école n'est pas d'enseigner, mais de sélectionner ceux qui auront accès et ceux qui n'auront pas accès. Le rôle de l'école est de construire des boiteux.

Je n'ai pas encore trouvé un livre qui me satisfait sur le rôle du langage dans cette façon de voir le monde, et pourtant je pense que c'est le coeur du problème. Si je parle à quelqu'un, les mots ne m'appartiennent pas, les mots appartiennent à « un groupe » plus ou moins large, alors je parle à un « médiateur culturel » qui traduit le message à celui qui m'écoute. C'est pourquoi il y a tant de distance entre ce que je dis et ce qu'il entend. Si vous en connaissez...

Si vous vous êtes dit : « tiens! Cet ours-là a lu Bourdieu » oui, c'est vrai. J'espère simplement que j'ai éclairci un peu le paysage.