Mon premier jour d'école

Jour de retour en classe. J'ai rencontré une enseignante qui m'a un peu raconté l'école d'aujourd'hui. Cela m'a donné beaucoup d'espoir.

Ma mère me voulait beau pour ce premier jour d'école, et m'avait habillé d'un pantalon court avec des bas attachés par des jarretières. J'ai voulu protester contre un tel outrage, mais j'ai tout de suite compris que j'allais à l'école et qu'à l'école on se soumettait à l'autorité. Qu'il y avait le maitre et l'élève et que l'élève n'avait pas le droit de penser, d'agir de parler, sauf pour répéter ce que dit le maitre. L'école est un lieu d'apprentissage et que l'apprentissage est soumission.

Il y avait deux cours de récréation, une pour les filles et une pour les garçons. Je ne connaissais pas les codes. Je ne savais pas qu'un garçon n'a pas le droit de jouer avec une fille, que c'est nécessairement mal parce que les filles sont le Mal. Il a fallu que j'apprenne rapidement la séparation des sexes, et l'humiliation qu'il y avait à être avec les filles, comme une fille, puisque ce sont des êtres inférieurs qui portent le Mal.

Alors j'ai appris à me taire et à être seul. Je savais déjà lire, alors l'école n'était qu'emmerdement. J'ai appris à rêver, à ne pas être là en semblant écouter. J'ai appris que les codes qu'on me servait comme la norme me dégoutaient, et comme les autres semblaient accepter ces normes sans protester, j'étais donc différent. Alors plutôt que de tenter d'être avec les autres, j'ai cultivé ma différence avec arrogance, ce qui m'a tout de suite rendu encore plus différent, et soyons franc passablement malheureux.

Ce matin, j'ai écouté l'enseignante décrire son école. Une école par projet, son rôle d'animatrice, dont le premier but était d'inclure chacun des enfants dans une démarche, de tenter d'animer cette démarche pour que l'enfant puisse faire par lui-même découvrir les connaissances de base. Son angoisse d'en échapper quelques uns. Le manque de cadres, d'automatismes et de manuels qui simplifieraient tant son travail. Mais elle aimait les enfants, alors elle se lançait dans l'aventure avec bien des craintes, comme chaque année. Elle a admis cependant que finalement les enfants étaient plutôt heureux à l'école.

Je ne sais pas si cette nouvelle école m'aurait appris davantage, finalement pour les connaissances de base je n'avais pas vraiment besoin de l'école. Mais certainement j'y aurais été moins isolé, moins arrogant, et probablement plus heureux. Peut-être que la nouvelle forme d'éducation est vraiment plus difficile pour les enseignants, mais au moins elle n'a plus pour but d'éliminer ceux qui ne peuvent vivre dans les normes.