Chouette chouette

Ce matin je sors très tôt, porter un sac de poubelles qui pue dans le conteneur. Il fait encore noir. J'entends un Pou-pou-pou que je reconnais, mais qui m'étonne. Ici? Que peut-elle bien faire dans le petit parc de l'école?

Ça ne sert à rien de chercher une chouette dans la nuit. Elle va me voir bien avant que je la trouve et juste mieux se cacher. Je vais attendre le plein jour elle dormira et avec un peu de chance.... bon un peu plus qu'un peu... les pou-pou c'est une petite chouette de Tengmalm et elle est particulièrement habile à se camoufler.

Une petite chouette de la taille d'un merle, mais au moins 20% pour lourde parce qu'elle la forme d'un hibou miniature, trapue et solide. Elle vit surtout dans les forêts de la Taïga, alors la voir dans un petit parc de banlieue... c'est une grosse surprise. Enfin grosse surprise... Il y a un problème avec les souris dans le Nord c'est certain. Déjà, les Harfangs ne trouvaient pas assez de lemmings et sont descendus en grand nombre au sud. 

Les chouettes cherchent aussi de la bouffe, c'est clair. À moins qu'elles ne pensent que l'hiver sera particulièrement rigoureux. Leurs météorologues étant généralement bien meilleurs que ceux des humains.

Juste après midi, le soleil un peu timide, mais la neige glacée par la pluie d'hier brille assez pour qu'elle évite de voler. C'est un temps trop clair pour elle. Les chouettes craignent d'être éblouies et de perdre leurs repères. Il y a deux conifères, et pas un bouleau dans le parc. Ma chouette de Tengmalm est dans une de ces deux épinettes blanches. Mais de là à la trouver, c'est une autre paire de manches, elle sait très bien se camoufler.

Je suis chanceux. Je la trouve presque tout de suite. Et puis glissant sur la neige gelée, je me suis approché sans bruit, mieux que si mes bottes s'étaient enfoncées dans la neige molle. Elle dort le dos appuyé au tronc de l'arbre, et le camouflage est si habile que je me demande si nous la verrions bien sur une photo. Zut, je l'ai réveillé.

Photo piquée à Wikipédia sans que je sache qui je dois remercier.

Elle me regarde avec ses grands yeux jaunes qui lui donnent une allure d'ahurie sympathique.

Elle fait un drôle de petit bruit qui n'est pas dans son vocabulaire que je connais. Dommage mon micro est trop pourri et je ne capte rien. Je présume qu'elle me demande si je lui apporte son petit déjeuner et je lui montre les graines de tournesol que j'avais dans ma mitaine. Un Poup un peu méprisant. Une chouette, ça mange des souris, je n'attirerai pas ses faveurs avec des graines. Je me sens aussi stupide que Brel et son : « je vous ai apporté des bonbons »

Je bouge le plus lentement possible. Elle ne se déplacera pas tant qu'elle ne se sentira pas immédiatement menacée. Je tente de me calmer, de faire la paix en moi. Je veux tenter d'approcher le micro pour prendre un peu de son, mais il faudra que je démontre que je ne lui veux aucun mal. Sauf que nous sommes en banlieue, et une voiture freine bruyamment. Cela interrompt notre dialogue d'émotions. Je fais même la gaffe de tourner la tête. C'est assez pour qu'elle disparaisse. Sans doute n'est-elle qu'à un mètre plus haut, mais insister la rendrait mal à l'aise. Je ne veux pas être impoli à ce point. Déjà je l'ai réveillé dans sa nuit, ça suffit.