Ma chasse-galerie (première partie)

La Chasse-galerie reste le conte le plus connu, le plus récité au Québec. Sauf que personne ne parle de ce qui vient avant. La version de Jocelyn Bérubé(surtout à l'oral) me semble la deuxième meilleure. Parce que la mienne...

Les quatre trappeurs étaient partis le six janvier. Les chiens tirant les traineaux, pleins de pièges, de lard, de farine, et d'espoir...

  • Nous allons trappé! Nous reviendrons fin février, les traineaux débordants de fourrures, une fortune madame, une grosse fortune de visons, de castors, de pékans, même de l'hermine...

Les raquettes volent sur la neige, les chiens sont heureux de courir, au Nord! Au-delà de la quatrième chute en suivant la rivière, là où il fait vraiment froid, là où est le plus beau poil... du danger? Danger de quoi? Mourir d'ennui en attendant le printemps? Non! Pas question, ils sont partis en chantant.

Entre le lac à la Truite et le lac à la Loutre, là où la rivière aux Castors tombe dans la rivière aux Perdrix, les hommes ont construit un abri, solide, chaud, par chance...

Parce que cet hiver-là... cet hiver-là... le plus terrible de tous les hivers. Il n'y a pas eu de ces grands beaux temps, froid peut-être, mais de ces grands beaux temps si favorables à la chasse. Du vent et de la neige... de la neige et du vent. La poudrerie emplie le ciel, on ne voit rien, rien à cinq pas... impossible de chasser, et les pièges qui se couvrent de neige, n'attrapent jamais rien.

La première semaine... la première semaine, il y a tant à faire, du bois de chauffage, renforcer l'abri, préparer les cadres pour les peaux, soigner les deux chiens malades, et puis on a eu un Ours. Un bel ours très gras pour manger et pour l'huile de la lampe. Et puis Ti-Jean a sa musique à bouche, et puis il ne fait aller les pieds comme personne. Un puis un ours ça porte chance, le beau temps va venir et la chasse madame, et la trappe madame, je vous dis pas combien on en a attrapé des castors, c'est pas croyable.

La deuxième semaine... bon, il s'agit d'attendre un peu c'est certain que le beau temps va venir. Il a fallu tuer un chien, trop malade. Ti-Jean fait aller sa musique à bouche, ça détend un peu les hommes qui deviennent impatients. Paul insiste pour que la porte de l'abri soit toujours nettoyée de la neige. Il passe de longues heures à pelleter avec une raquette. Ça l'occupe et c'est tant mieux, un homme si puissant peut devenir dangereux quand il n'a rien à faire. Et toujours cette terrible neige qui emplit le ciel. Dieu du Ciel et de l'Enfer, ce maudit vent qui hurle tout le temps va finir par me rendre fou.

La troisième semaine nous avons eu deux jours de beau temps. Les hommes ont retrouvé la moitié des pièges sous la neige. Et puis on a tué un caribou! Il était temps. L'ours est fini depuis longtemps, les chiens avaient très faim, et les hommes... Paul a déjà fait bouillir sa paire de bottes de réserve... c'est ce qu'on fait avant de mourir de faim. Mais maintenant avec le caribou, il peut s'en faire une autre... et il a tout le temps de la faire, avec ce maudit vent qui a repris et qui emplit le ciel de neige. Je veux bien jouer aux cartes, mais après dix heures je n'en peux plus. Et puis Ti-Jean tu m'énerves avec ta musique à bouche... Non non joue, le vent est pire que ta musique.