Le bruit et le silence

On ne s'ennuie plus, on communique en permanence. C'est le constat d'Aude sur son excellent blogue : « Nectar du Net »

« Vous devenez accro, prenez soin de votre machine toute plate, l'habillez, la caressez, la tripotez, la couvez du regard en permanence, étudiez toutes les options, facebookez, twittez, bloguez, lisez les quotidiens, et plus vous l'utilisez, plus vous avez besoin de l'utiliser. Ce qui me gêne, c'est qu'en étant branchés en permanence sur les Iphone, portables et autres jouets dont on ne peut plus se passer, on perd sans même en prendre conscience ce qui touche à l'essentiel.
Quelque chose de subtil, dont on a sans le savoir autant besoin, voire plus, mais qu'on oublie.
Je pense à la contemplation toute simple de la vie qui passe. » (tiré du blogue d'Aude le 4 nov.)

Elle est peut-être là la contradiction principale : Communiquer, contempler.

J'ai quelques fois parlé de « La Bavarde », la machine à critiquer et justifier que nous avons dans la tête, pour entendre le chant de la Beauté du Monde.  Je crois que ce qu'Aude cherche à souligner c'est combien cette machine infernale, le Iphone peut dresser un mur qui m'empêche de voir ou de sentir le Monde.

Parce qu'en soi, l'idée de cette machine qui nous relie en permanence à la plus grande bibliothèque du monde, où pratiquement tout le savoir de l'humanité est juste là au bout de nos doigts, où on peut tout voir de tous les évènements même assez marginaux presqu'en direct. Cette merveilleuse machine qui nous maintient en lien avec notre communauté, et pas seulement avec une communauté des gens qui nous entoure, mais celle des gens que nous choisissons. De fait, il ne manque que la transmission des odeurs pour qu'enfin se refassent ces fameux clans que je cherche partout.

Oui cette machine prépare la fin du monde de « l'expert » celui qui impose, dirige et domine parce que lui, il sait alors que les autres ne savent pas. La fin du monde des mandarins, d'Assurbanipal et du Temple, vers une nouvelle liberté celle fondée sur le partage et la confrontation des savoirs partagés. J'ai bien dit prépare parce qu'après tout cette machine n'a que quelques années et son efficacité grandira encore très rapidement.

Sauf que, comme dans le clan, qui peut parfois rendre difficile toute expression d'une individualité, cette machine transporte d'abord l'immense rumeur de la ville, la Bavarde de l'individu collectif que nous formons aussi, qui répond rapidement à nos angoisses et nos questionnements par de nouvelles craintes et des jugements sans fondement. Malheur à celui qui s'oppose à cette rumeur, le nombre peut l'écraser. Si vous avez le cœur bien accroché, vous pouvez aller lire les commentaires sur le billet d'Yves Paccalet sur la vaccination (que je n'endosse pas), il s'en dégage un remugle de millénarisme épouvantable, les sorcières scientifiques brûlent pour lutter contre la conspiration mondiale qui cherche à détruire l'occident sans doute chrétien.

Faire taire la « Bavarde », se libérer de la rumeur pour écouter le Chant de la beauté du Monde, oui c'est possible, mais ça demande d'accepter l'angoisse de ne pas savoir. Accepter le Vide temporairement, accepter que le temps passe. C'est aussi accepter d'être mortel, et voilà pourquoi nous voulons si vite retourner à la rumeur.

Il me semble évident que ce n'est pas le média qui est en cause. Le téléphone internet peut-être un outil de négation ou de lien avec le réel. Et cette opposition devrait être la tâche première de nos écoles, apprendre à se servir de la nouvelle bibliothèque mondiale, plutôt que les faire ânonner sur l'orthographe devenu inutile où sur Pascal et le Vide qu'il remplit de Dieu parce qu'il panique.

Je m'aperçois que je n'avais pas mis Aude dans mes liens. Il est temps que je corrige.