Le projecteur s'éteint

Le cinéaste, poète, peintre et conteur Gilles Carle vient de s'éteindre après une très longue maladie.

Après une petite recherche, je pense que malheureusement il est bien difficile de voir le cinéma de Gilles Carle. Et c'est bien dommage parce que peu d'hommes ont pu dire les gens d'ici avec autant de justesse, de folie, de poésie.

Ils tournent chacun de ses films autour d'une femme dont il est plus qu'à l'évidence amoureux. Tour à tour Micheline Lanctot, Carole Laure et finalement Chloé Sainte-Marie, seront le moteur de ce cinéma heureux, généreux, un peu paillard, riche de vrais humains forts et faibles devant ce monde où à la survie est une gageure. C'est l'anti-Almodovar, les femmes n'y sont pas magnifiées par la tragédie, mais mènent les combats, animent le monde parce qu'il aime et qu'elles aiment. Et quand les curés lui diront qu'il a une morale douteuse, il répondra que oui, sa morale doute de la morale de ceux qui prétendent en avoir.

La magie est souvent présente. C'est un conteur et il prend la réalité pour ce qu'elle est : magique. S'il grossit parfois le trait pour le rendre plus visible, l'objectif est de rendre visible le lien qui nous unit au monde qui se fout de la logique et du dictionnaire. Il n'hésite pas à être local tant dans l'image que dans le langage, et son utilisation de la langue populaire ne l'empêche pas d'être choisi Palme d'Or à Cannes. Encore une fois, pour être universel, il faut être de quelque part.

Jusqu'à la cinquantaine, Gilles Carle a caché ses origines amérindiennes, sans doute parce que c'était une époque où le Canada pratiquait un ethnocide violent, et que cette simple mention lui aurait coupé toute possibilité de faire son travail de créateur. Pourtant, ça façon de voir et dire le monde ne laisse aucun doute, mais comme le gouvernement du Canada ne connaissait ni le discours ni la culture amérindienne, personne là-bas ne s'en est aperçu.

J'ai trouvé sur internet le premier long métrage http://www.onf.ca/film/vie_heureuse_de_leopold_z/ de Gilles Carle. On lui avait commandé un documentaire sur le déneigement de Montréal, il en a fait ce poème à la gloire des héros ordinaires.

Le cinéaste, poète, conteur peut-être mais surtout l'amoureux Gilles Carle s'est éteint.