Le corps qui vieillit

Non!!! je suis encore jeune et beau. Enfin, je peux encore me mentir... mais la vérité me rattrape. Billet dédié à Karmara qui fait une preuve cruelle sur son blogue.

Dans un très beau billet, Akynou  regarde ses pieds, et puis son corps et réfléchit à ce qu'il faut apprendre pour bien vivre avec cet étranger qui nous habille le cœur. Parce que j'ai le cœur encore jeune, beaucoup plus jeune que le reste de ce corps que je traine... non pas tant que ça, que parfois je traine quand j'oublie que je suis amoureux et que c'est la preuve que je suis encore beau, au moins pour une femme.

J'ai fait un commentaire disant que je préfère le déni de réalité et fuir les miroirs. Je suis encore beau dans ma tête, et je m'exerce à sourire pour avoir de jolies rides. Et puis mes vingt kilos en trop ont été gagnés par de si heureux excès, que j'aurais peine à en effacer le souvenir. Akynou me répond que la question se pose différemment pour une femme que pour un homme. Oui peut-être. Ou peut-être, elle se pose différemment selon les individus et pour ceux qui ont beaucoup investi émotivement dans leur image, de voir son corps se déglinguer devient rapidement pénible qu'on soit un homme ou une femme.

Chez la plupart des espèces, ce sont les mâles qui doivent investir dans leur pelage, leurs plumes et leur voix pour être choisis par les dames. J'ai pour thèse que si c'est différent chez les humains, cela tient des agriculteurs qui n'ont pas pour but leur continuité, leur survie, mais la survie de leurs biens, de leurs possessions. Mais c'est un autre débat.

Moi qui veux être choisi pour ce que je suis plutôt que pour se que je possède ( non! ce n'est pas par dépit de ne rien posséder), j'ai été chanceux. Quand je regarde de vieilles photos, je pense pouvoir dire que j'étais plutôt bel homme. Ma dernière photo de passeport, où on m'interdit de sourire est une véritable catastrophe. J'ai l'air d'un psychopathe enragé, d'un ours dont les aigreurs d'estomac rendraient la vie misérable. Les douaniers vérifient à deux fois, tant sans mon habituel sourire, je ne me ressemble pas.

Sauf que cette photo me permet de comprendre les hommes qui refusent de se montrer nus. Être seul et sans amour, plutôt que de donner à voir les plaies et les bosses d'une vie maintenant trop longue.

Peut-être que pour les jeunes femmes, le désir de paraître belle est plus important que chez les jeunes hommes, bien que j'aie connu des jeunes hommes pas très beaux et qui vivaient leurs conditions avec une profonde douleur, avec la certitude qu'il est impossible de plaire, que jamais ils ne seront choisis.

Mais avec le temps le fardeau me semble se renverser. Plusieurs hommes ne s'étant pas vraiment préoccupés de ce qu'ils ont l'air, constate avec horreur qu'ils sont devenus laids. Les femmes pensant davantage à ce qu'elles deviennent, arrivent moins vite à ce stade misérable.

Je peux encore prétendre à une certaine beauté. J'ai les yeux qui pétillent et un sourire qui rassure. J'ai tellement 30 ans dans ma tête, que ça se voit dans mes gestes. J'aime et je suis aimé, et le plus longtemps possible, je vais tenter de susciter le désir, parce que la vie est aussi là, parce qu'il y a une profonde à joie à lire le désir dans le regard de l'autre.