Une heure avec les hirondelles

Le matin nous offre de grands bonheurs. Ce matin c'est l'envol de petites hirondelles est un des plus grands.

La jeune dame Soleil cherche à pointer le nez par dessus la montagne, mais elle aura d'abord à se débarrasser du drap de brume. Le lac est plus chaud que l'air pour la première fois, ce sera de plus en plus vrai avec le retour de l'automne. Ce n'est pas le rideau opaque, simplement une humidité visible, un voile ténue qui montre autrement plus qu'il ne cache.

C'est tout le contraire du silence. Mes poètes préférés ont choisi leur perchoir et chantent la Beauté du Monde. Mais, rien ne vient troubler ma joie de les entendre. Je ne cherche pas à les voir et profite des variations, des nuances, des inventions de Maki le merle décidément en voix ce matin, de Gilbert le bruant qui répète des petits bouts de ses phrases préférées et d'un petit groupe de chardonnerets, tout en syncopes et en jazz ce matin. J'entends par dessus de courtes trilles au dessus de ma tête : elles sont là!

Trois jeunes hirondelles sont juste au dessus de ma tête. Même si elles sont trop hautes pour faire une photo, c'est très facile à reconnaître à leur vol que ce sont les nouvelles, celles qui viennent d'apprendre à voler. Ce n'est pas la chasse efficace des adultes, c'est l'immense plaisir de la cabriole aérienne, on plonge et on vire sec pour accumuler un max de G, ça étourdit, mais c'est chouette. Et puis on va voir les frères ou sœurs pour discuter d'un nouveau défi qu'on tentera parfois avec succès, parfois en échouant lamentablement dans le feuillage d'un arbre. Je pense à tout ces scientifiques qui cherchent le pourquoi des choses en oubliant le plus important : le plaisir.

L'an dernier, j'ai raté l'envol, je n'étais pas là. Il y a deux ans une catastrophe avait empêché les œufs d'éclore. Je suis heureux d'avoir pu profiter du spectacle dans d'aussi bonnes conditions cette année. Je sais chez vous, ça fait longtemps que les hirondelles ont quitté le nid. Ça fait sans doute quelques jours que le nid est vide, mais tant qu'elles seront là, comment pourrais-je être malheureux ?