Inuksuk (première partie)
mardi 23 novembre 2010, 14:18 Conte Lien permanent
Pourquoi es-tu revenue dans mon rêve après ce si long silence ? Veux-tu revenir ? Aujourd'hui le contexte, demain le texte.
Les premiers habitants de l'Amérique n'ont pas une âme, mais plusieurs. D'ailleurs, les concepts sont si différents que d'employer le mot âme conduit à des erreurs grossières. J'aurais envie d'utiliser le mot sens, comme le sens du mot caribou... mais là il ne s'agit pas du sens du mot, mais du sens de la chose caribou dans sa matérialité. Tout ce qui vit possède des âmes, certaines résidentes pour toute la durée de la vie, mais d'autres qui migrent vers un autre vivant. D'ailleurs, comment chasser le caribou si nous ne possédons pas une âme de caribou? Comment le comprendre ?
C'est sans doute une des raisons pourquoi il est si important de remercier l'être vivant qui a accepté le sacrifice de la vie pour nourrir le clan, il fait parti du clan et rempli son rôle comme tous les autres membres du clan. Il vivra d'ailleurs à l'intérieur de ce clan jusqu'à ce qu'un autre caribou naisse, et qu'il retourne dans ce corps mieux adapté que celui d'un humain. Mais une des âmes restera dans le groupe.
Quand un enfant nait, même avant quand la vie ne s'éveille dans le ventre de sa mère, des âmes d'un oncle, d'un frère, d'un membre du clan mort récemment vont venir habiter ce nouveau corps pour lui apporter la conscience. Il sera d'ailleurs assez facile à reconnaître, parce que l'enfant n'a pas eu le temps de s'approprier de nouvelles âmes par ses propres expériences.
Il n'y a pas dans ces migrations des âmes l'idée Indou d'une téléologie, d'une morale qui permettrait d'améliorer le sort des âmes. Le bien et le mal se juge par sa position dans L'Équilibre et la Beauté du Monde, le Second Monde n'est pas le lieu des vivants. Il n,y a pas d'espoir d'un monde meilleur dans cette direction.
Et puis, si les âmes n'ont pas de corps pour les soutenir, elles sont aveugles et faibles se perdent souvent et errent cherchant une vie pour les héberger. Les forêts et les montagnes sont d'énormes réservoirs d'âmes. C'est pourquoi les montagnes nous parlent, c'est pourquoi les arbres rêvent autant.
Le grand Inuksuk de Saluit un midi de janvier
Chez les Inuit (un Inuk, des Inuit) il n'y a pas d'arbre. Aussi, ils construisent des Inuksuk, des hommes de pierres pour guident les vivants et les âmes perdus, pour leur dire qu'ils sont sur la route vers d'autres vivants.
Parfois des âmes restent dans un Inuksuk, longtemps, des amoureux qui ne se contentent pas de trouver une forme vivante, mais qui recherchent la personne aimée pour revivre.
Commentaires
Pourquoi ai-je le sentiment que je suis lié à ce texte. Parce que c'est sans doute le cas. J'attends la suite avec impatience.
Salut à toi l'Ours.
Mimi le Bouquetin alpin
Guidemini--) oui c,es ta phrase qui a déclencher la réflexion.
Je ne suis pas de cette cosmologie là. L'âme n'a pas d'existence en soi. Elle n'est que par la vie qu'elle habite. Le corps et l'âme sont un seul et unique objet, dans sa part matérielle et sa part immatérielle, et que l'un disparaisse l'autre n'est plus. Il n'est point d'âme sans corps ni de corps sans âme.
L'humain n'existe que parce qu'il y a d'autres humains autour de lui, plus ou moins proches, plus ou moins et souvent moins que plus amicaux. Mais seul l'humain n'est pas.
Ce qui fait l'individu dans le groupe est qu'il n'est pas membre seulement du groupe, mais de nombreux autres groupes, entrelacés, antagonistes, rivaux ou alliés, solidaires ou concurrents. Famille, amis, voisins, citoyens, intellectuels, ouvriers, artistes, l'humain peut être un peu de tout cela à des degrés divers, et un peu de bien autres choses encore, et cette somme d'intersections de groupes distinct fait de l'humain que chacun de nous est un individu distinct, mais néanmoins incapable d'être s'il n'y a au moins un prochain.
Quant à savoir s'il y a quelque chose de caribou en moi, vaste question. Je n'ai jamais chassé de caribou et il est peu probable que la chose arrive. Je crois que je ne réussirais jamais si elle devait arriver. Il n'y a rien de caribou en moi. Du bœuf-carotte à la rigueur.
Salut et fraternité.
Le texte est très beau !
Urgence à te lire. Descendre à la cave, trouver le carton de bibelots. Et remettre mon Inuksuk à sa digne place, bien en vue.
(Des fois que ça aide, en plus !)
Anne-) il y a peut-être un amoureux qui attend à l'intérieur
Julio--) merci
Andrem--0 effectivement, moi-aussi je suis profondément matérialiste et l'âme platonicienne n'a pas de sens pour moi. Mais le lien qui existe avec une autre personne... disons le souvenir que tu as d'un autre, même après sa mort et qui le rend à des moments extrêmement vivant... pourrait-on lui donner un autre nom ?
Et te lire ce matin fait du bien à mon âme!
Etolane--) merci, ça me fait très plaisir de te relire ici.
C'est que je viens souvent en sioux!
J'attends aussi la suite.
ça me donne envie de relire Jorn Riel.Et Paul-Emile Victor.
Et ça va bien avec le froid en France, auquel nous ne sommes pas habitués.