Sauver les ours polaires?

Une nouvelle étude provoque de gros titres, attention.

On a fait de l'extinction des ours polaires l'exemple de la destruction de l'environnement par le réchauffement climatique. Aussi quand une petite nouvelle sort dans la prestigieuse revue Nature, les journaux du monde entier titre que les ours polaires sont sauvés (ou presque). On en est pourtant très très loin.

De fait le papier dans Nature, c'est un petit compte-rendu d'une communication au dernier AGU (American Geophysical Union) de Dr. Pfirman qui tend à démontrer qu'une plaque de glace multi-annuelle de moins d'un million de Km2 (plutôt que 7 millions maintenant) pourrait subsister durant tout le 21siècle. C'est de la vraie science, c'est-à-dire une hypothèse réaliste appuyée sur des données sérieuses. Mais c'est une hypothèse qui est contredite par plusieurs autres études et n'a que comme seul avantage de questionner les thèses actuelles pour forcer ceux qui les défendent à raffiner les modèles. Peut-être que Pfirman a raison, mais le caillou qu'elle lance dans la mare ne me semble pas très gros.

Mais s'il reste un bout de glace, il pourrait donc survivre des ours dessus ! Oui, mais non. On a vite fait le lien avec une autre étude d'Amstrup qui dit que si on arrête les émissions de carbone maintenant, les ours vont peut-être survivre.

Premièrement, est-ce quelqu'un quelque part peut prétendre que les émissions de carbone vont cesser demain matin ? Qu'on va cesser l'agrobusiness destructeur, la déforestation, faire sauter les ponts pour bloquer les routes et fermer les centrales électriques au charbon demain matin ? L'hypothèse d'Amstrup est peut-être jolie, mais admettons que ce n'est pas demain qu'on cessera d'utiliser du pétrole et du charbon et qu'elle ne tient pas la route.

J'exagère un peu, ce que tente de démontrer Amstrup c'est que de sérieuses mesures de réduction d'émission des GES pourraient être bénéfiques aux ours. Tant mieux si c'est vrai, mais je pense qu'il est déjà trop tard, les ours maigrissent trop, et la solution pour eux serait de redevenir des grizzlis, ce qu'ils étaient il y a pas si longtemps. Mais la forme de la gueule est tellement bien adaptée à la chasse aux phoques, qu'ils ont de la difficulté à se nourrir de caribous.

Le principal problème de la survie des ours c'est qu'ils chassent sur la banquise durant l'hiver, et que l'été ils reviennent sur la rive parce qu'il n'y a plus de glace et qu'ils jeunent jusqu'au retour de l'hiver. Il y a cinquante ans, ce jeune durait 4 ou 5 mois et un grand mâle pouvait perdre 200 kilos. Maintenant, la déglaciation donc le jeune dure 4 semaines de plus et la couche de graisse protectrice finit par être si mince que l'ours ne meurt pas de faim, mais de froid. Pire les ourses qui portent des petits (une année sur trois) dorment tout l'hiver et jeunent donc durant 15 mois. Sans une très sérieuse réserve de graisse, le lait n'est pas assez gras pour nourrir les petits.

L'ours polaire est le premier prédateur, le plus fort, le mieux adapté. Justement, il est trop adapté, son monde disparaît et il disparaitra avec lui. Une autre preuve que Darwin avait tort: la survie n'est pas celle du plus fort et du mieux adapté mais de celui qui s'adapte continuellement.