Une ballade d'été

Pour une amie renarde et son nouveau renardeau

C'est le plein été, il y a quelques années. Je suis de retour à la maison, l'auberge de l'ours qui danse, d'un voyage épuisant avec un ordinateur empli de données mais pas de solutions. Le matin est clair et déjà tiède, la journée sera très chaude. Après le café, je regarde le mur de chiffres sur l'écran, mais rien, j'ai beau tenté de suivre, il n'y a pas de chemin qui se dessine qu'un mur étanche à toute signification. Allons dehors.

 

La bicyclette grince un peu, comme si elle me reprochait de l'avoir laissé seule tout ce temps. Trois gouttes d'huile suffisent. Que j'aimerais trouver de l'huile pour mon cerveau qui geint à tenter de tourner et retourner le problème.

 

J'ai à peine passé le petit pont qu'un éclair roux passe à tout allure à cinq mètres devant moi. C'est mon ami Toutenqueue le renard. Il ne passe pas pour rien comme ça occupé à ses tâches… Il aurait préféré perdre quelques secondes et passer derrière moi, il veut me dire quelque chose. Je freine et j'attends. Une minute et puis deux… je ne prétends pas comprendre bien les renards, je ne suis pas assez subtil pour ça. Mais je sais qu'il attendra le temps de s'assurer que je n'ai pas freiner par hasard, par peur de le blesser ou quoi que ce soit. Il attend pour être certain que j'ai bien compris.

 

Ha le voilà! Quinze mètres plus loin à l'entrée d'un sentier qui monte la petite montagne. Allons-y… Ça grimpe mais l'effort me laisse le temps de regarder de chaque coté, je sais que je ne reverrai mon ami que lorsqu'il aura de nouvelles indications à me donner. Presqu'en haut, je le vois qui m'attend assis sur sa si belle queue. Je laisse la bicyclette et le suis dans l'érablière pépiante et bourdonnante dans ce très beau matin, ça sent le miel, la fraise et le champignon. Apparaissant et disparaissant dans la pénombre, il me fait décrire un large arc de cercle… je viens de comprendre, il veut que nous ayons de face la faible brise.

 

Nous arrivons à la clairière, lui a disparu mais je vois… Il y a quatre renards… deux renardes, une plus agée que l'autre et deux renardeaux. C'est fréquent que, bien que pouvant porter, les renardes d'un an préfère rester sans bébé et aident une autre renarde, généralement sa mère, dans les multiples tâches de l'éducation de remuant renardeaux. Je m'assieds sans le moindre bruit et contemple. Je sais que le moindre son suspect pourrait faire disparaître le tableau en un instant.

 

Les renardeaux sont occupés à la chasse aux sauterelles. Je doute fort que ce soit efficace, mais c'est comme ça qu'on pratique la technique. On ne poursuit pas une souris ou une sauterelle dans l'herbe, c'est inutile, elle vous perdra rapidement. On la reperd, et puis on bondit, et on lui tombe dessus comme la foudre.

 

Ça n'a pas duré très longtemps, sans doute mon genou a craqué et sur un tout petit cri de maman le tableau s'est effacé. Il a bien raison d'être fier et de montrer ses petits ce cher Toutenqueue. Quelle merveille, ils ne sont plus là et pourtant je suis encore tout heureux, tout plein de ce qu'ils sont, la vie, l'équilibre et la Beauté du monde.

 

Et puis je comprends, quand on cherche une solution, ça ne sert à rien de lui courir après dans l'herbe des chaînes causales, il faut prendre de la hauteur, changer de point de vue et lui fondre dessus comme la chouette sur une souris. Merci Toutenqueue. ( image honteusement pompée d'internet)