Montréal en fête

La météo annonce moins 15, ce sera la nuit la plus froide cet hiver. De quoi faire la fête.

Le ciel est dégagé, la lune montre son quart et dans cet hiver où il n’y a pas eu de grand froid, c’est le moment de faire la fête. On ferme les rues autour de la place des festivals, on sort les grosses boites de son, Montréal a trouvé une autre raison de faire la fête, comme si elle avait besoin d’une raison pour être déraisonnable.

 

J’y vais moi-aussi. Mes vieux os protestent un peu, mais la télé m’emmerde autant que d’habitude et j’ai envie de voir la vrai Montréal, pas celui des banques ni des usines, celui de la fête. Les métros sont encore plus plein qu’à l’heure de pointe, je dois en laisser passer deux avant de trouver une petite place. Une jeune dame veut m’offrir sa place assise, que je refuse, je ne suis pas si vieux que ça. De toute façon, je suis si compressé par la foule que probablement je n’aurais pas atteint le siège. Rien à voir avec les gueules tristes du matin, il y a des sourires partout, des cheveux aux couleurs franchement irréalistes, cacophonie de voix, Nous avons une bonne raison pour se déplacer.

 

DJ Champion est aux platines, thème de la soirée, « 1967! » je reconnais parfois des extraits des chansons de ma jeunesse, mais ça ne dure jamais longtemps c’est de l’électro-machin ou de l’électro-bidule, je ne fais pas vraiment la différence, le rythme est infernal, la sono hurle. Sur la place, tout l’éclairage nécessaire avec des séquences assez saccadées pour devenir épileptique, et assez de décors pour faire une vraie fête. Il y a même quelques petits feux de joie qui font leurs possible mais ne réussiront certainement pas à réchauffer le fond de l’air. Pas nécessaire, le feu les jeunes l’ont au coeur.

 

Fait froid quand on ne danse pas. Je descends dans la ville souterraine, il y a des manifestations artistiques un peu partout. Je m’arrête devant 5 robots accordéonistes qui réagissent aux bruits de la foule. Manquant d’imagination, je chantonne « Vésoul » de Brel, un robot comprend tout de suite et répond, mais les autres ne sont pas d’accord et ça part sur un n’importe quoi sympathique. Un peu plus loin un peintre fait des toiles qui ne passeront pas à l’histoire, un peu plus loin une danseuse fait un truc sur un Satie qui tient plus de l’exhibitionnisme que de la danse, mais avec un corps pareil, j’en ferais moi-aussi. Un trio de musque baroque et quelques installations plus loin, je bifurque pour revenir à la place principale.

 

La radio dira qu’il y a eu un peu moins de 350 000 danseurs. On ne voit pas un seul policier et encore moins de violence, ou d’incident. Il y a certainement un service d’ordre pour sortir ceux qui ont abusé des drogues, mais sa qualité est de ne pas être visible.

 

Il est temps d’aller coucher le petit vieux, je rentre dans un métro triste d’être presque vide, c’est beaucoup plus tard que les fêtards reviendront. Mais j’ai vu le Montréal que j’aime, celui de la joyeuse énergie toute dédiée à la fête, excessive comme il se doit, mais sans aucune violence.