Le commissaire Alcide Torda, police criminelle

Un grand ami que je n,ai pas vu depuis quelques années... j'aimerais bien le retrouver.

Dans le golf Saint-Laurent, près de Pohénégamouk, il y a l’archipel des Pèlerins. Un petit groupe d’îles, avec des falaises couvertes de guano au Nord et de douces pentes herbeuses vers le sud. C’est un refuge ornithologique qui héberge dans la pagaille la plus totale une faune ailée totalement hétéroclite.  Des oiseaux du Sud qui grâce aux vents chauds qui remontent la vallée du Saint-Laurent se trouvent au point le plus Nord de leur aire.  Le courant du Labrador amène des eaux très froides et très riches en nutriment si bien que de nombreux oiseaux du Nord sont au point le plus Sud de leurs zones d’occupation.  D’ailleurs, sur une île de mois de deux kilomètres, il y a souvent des différences de plus de 10 degrés entre la pointe Sud et la falaise du Nord.

On comprendra que dans un tel fouillis, dans une telle densité,  il y a des oiseaux honnêtes, d’autres moins honnêtes et enfin des pas honnêtes du tout. Ça prend donc des policiers, qui à défaut d’empêcher le crime, tâche impossible, le contrôlent et l’empêchent de rendre la vie impossible. Chaque groupe d’oiseaux s’occupe de la gestion des territoires et du contrôle aérien. Mais pour les criminels, tous comptent sur le plus célèbre des pingouins Alcide Torda :

Alcide Torda-2.jpg
Alcide Torda-2.jpg, mai 2016

Toujours bien mis, un peu hautain dans son attitude, il impressionne dès qu’il arrive quelque part. La profondeur, l’acuité de son regard, fait trembler tous les mauvais garçons des Iles. Pour interroger les suspects, il a développé un ton monocorde, sans aucune émotion, un débit rapide, pas trop articulé, qui fait qu’il est impossible de se préparer des mensonges,  on doit répondre, et on avoue son crime. 

C’est comme cela que, dans la célèbre affaire du poussin-eider manquant, il a fait cracher le goéland à manteau noir. C’est aussi cela qui lui a permis de démanteler le gang des cormorans, des pollueurs notoires.

Mais son statut de policier l’empêche de développer des liens d’affections sur l’Île. Et comme tout le monde, il désire avoir des amis, pouvoir ouvrir son cœur, raconter ses réflexions. Alors comme j’habite à une petite demi-heure de vol de chez lui, il vient chez moi, pour un pot de bière et de longue placote.

Oui, comme la plus part des ours, j’aime bien la bière.  Je la brasse pour être sûr d’en avoir de la très bonne, et je la parfume avec des herbes ou des fruits.  Pour moi, c’est de la bière à la framboise. Pour Alcide,  c’est de la bière à la livèche, une recette secrète développée par une loutre aussi sorcière que bonne bouche, à qui je dois toute ma reconnaissance.


J’aime bien l’entendre durant se longues heures m’expliquer ses déductions, suivre la complexité de sa brillante pensée jusqu’à ce que la bière embrouille un peu ses propos. Alors, c’est le temps de chanter. D’accord mon ami Alcide n’a pas une très belle voix. Mais pas de problème, je chante avec lui et assez fort pour couvrir ses grognements. Il arrive parfois que mes voisins le lendemain, me lancent de drôles de regards, mais personne ne s’est jamais plaint. Si quelqu’un veut se plaindre, cela me fera plaisir de régler définitivement son problème, il n’entendra plus rien, jamais.