Recettes forestières : le sel

Encore un gentil courriel qui me demande des recettes des gens de la forêt. Oui, bien sûr, mais c'est un peu compliqué. Si vous aimez l'idée, je me propose de faire toute une série sur le sujet.

Oui c'est un peu compliqué parce que si les façons de cuire, bouillir ou griller sont les mêmes partout ou presque, ce sont les ingrédients qui diffèrent. On peut suivre une recette, mais selon la région, la saison, la beauté du site et la qualité des commensaux, le goût sera très différent.

Par exemple, un ingrédient présent dans toutes les recettes: le sel. Les européens qui arrivèrent en Amérique les premiers étaient des marins, habitués à manger des aliments saumurés, donc très salés, et pour eux, si la nourriture n'était pas salée, c'est clair, ça ne goute rien.

Sauf pour les Mi'kmaqs qui faisaient bouillir de l'eau de mer pour en retirer le sel, cet ingrédient était très peu utilisé dans la cuisine des gens de la forêt. Par contre, les feuilles de tussilage ( tussilago farfara) étaient utilisées généreusement. On cueille les feuilles d'été ( différentes de celles du printemps) qu'on laisse sécher et puis on les brule. La cendre contient un fort pourcentage d'un sel de potassium, qui goute un peu comme le sel de sodium. Par contre les effets sur la santé sont fort différents, et vous admettrez que le potassium en dose raisonnable, c'est beaucoup moins nocif.

Partout dans les zones tempérées et nordiques, le tussilage est très abondant depuis toujours (et non pas depuis 1600 comme certains le prétendent). Ici, la fleur jaune est la première à fleurir au printemps et est cueillie avec passion par ceux de la forêt, c'est le signe que la saison chaude (enfin, si on peut appeler cela chaud) est revenue. Les propriétés médicinales sont multiples. Il y a une huile essentielle, de la vitamine C, et même un antibiotique surtout efficace sur une blessure qui s'infecte. Et puis son nom le dit, c'est le toux-soulage par excellence. Il faut quand même être un peu prudent avec les tisanes qui concentrent un alcaloïde possiblement dangereux pour le foie.

Par contre la feuille de tussilage séchée, fait une herbe à fumer relativement agréable, et on garde la cendre de la pipe, d'ailleurs plusieurs cendres de pipe ont des propriétés intéressantes.

C'est une (il y en a plusieurs) des raisons pourquoi j'hésite à donner des recettes de ceux de la forêt. Oui, on peut mettre du banal sel, mais ça ne goutera pas la même chose. Comme cuire une viande au sommet d'une montagne, ça ne goute pas comme la faire cuire au bord d'un lac. Le bois est-il sec ou fraichement coupé ? Enfin, il y a autant de nuances qui modifieront vraiment le goût de la viande qu'on fait cuire. Et puis, à une viande cuite sur sur cuisinière électrique, il manquera toujours, le goût de la fumée, de la cendre, du grand air, et de la paix profonde qu'amène le feu de camp.

Alors une série de billets  qui parlerait de cela ça vous tente?