Pour la Dame des Brumes

C'est un jeu. Un jeu où je tente le discours et le vocabulaire du XIX siècle. Comme je suis joueur, j'y plonge avec passion. Je n'y gagnerai peut-être qu'un délicieux trouble, mais quelle fortune pourrait être plus gouteuse.

Makpela m'a écrit. Difficile de demander mieux dans cet automne où je reprends une vie dite normale, mais qu'en faire quand la norme n'est plus qu'une ménagère avide et radine, une ménagère bornée qui prétend que la valeur se compte en espèces. Je refuse d'être normal, je refuse qu'on m'impose une norme quand cette norme est de me limiter à avoir.

Makpela est ma Douce Dame des Brumes. Je ne sais rien d'Elle, sinon qu'elle apparaît que pour de brefs instants, à la limite de mon regard, en contraste à la froideur et à la médiocrité crue de cette civilisation où les échanges ne sont plus que commerce. Brumes contre l'exactitude comptable, contre l'aveuglante évidence des prix, tellement aveuglante qu'il est maintenant difficile de voir les humains à travers l'image qu'ils projettent.

J'ai besoin d'amour et s'il y a une évidence c'est que l'amour n'est jamais une certitude. C'est une tentative de rejoindre l'autre à travers le flou de son propre regard, le flou du désir, le flou du geste que je tends et qui parfois frôle la chère, la chair vivante, mais souvent se contente de n'être que des mots qui volent parce qu'il n'y a pas d'oreilles où ils peuvent se poser.

J'aime c'est certain. Mais j'aime qui ? Vivante, elle change continuellement et si elle ne changeait pas, je ne pourrais pas l'aimer. Et même si elle ne changeait pas vraiment, je change tellement, mon regard change si souvent qu'elle ne m'apparaitra jamais comme différente, désirable parce que différente.

Je l'aime vivante. Et la seule évidence de la vie c'est qu'elle apparaît que parfois dans d'éblouissantes fulgurances, dans une uberté de conscience, conscience de la Beauté du Monde, qui se cache aussitôt dans la brume, l'incertitude des gestes à poser pour la retrouver.

Alors voilà, pour les prochains jours, je tenterai d'écrire des textes pour la Brume.