lundi 30 septembre 2024

Maria Chapdelaine

Le voyage en avion de Marseille à Montréal dure plus de 8 heures. C’est long ! Heureusement on peut se distraire grâce à l’importante programmation de films, séries ou musiques proposée aux passagers.

Afin de mieux connaître le pays où je me rendais, je décidai de regarder la dernière adaptation au cinéma de l’incontournable roman québécois (bien qu’écrit par un Français) « Maria Chapdelaine ».

Il s’agit de l’histoire d’une jeune Québécoise au début du siècle dernier. Elle est la deuxième enfant d’une famille de paysans qui vit en pleine cambrousse du côté du lac Saint-Jean. Samuel, le père, n’aime visiblement pas le voisinage et emmène tout son petit monde s’installer toujours plus loin dans la forêt dès qu’une autre famille construit sa cabane un peu trop près, au grand dam de la mère, Laura, qui aimerait bien se fixer définitivement quelque part.

Le film commence par la grande attraction de l’hiver (et la seule) : l’aller-retour en traîneau à la ville la plus proche pour assister à la messe de minuit. Ensuite, il faudra attendre le début de l’été pour qu’il se passe quelque chose dans la vie des Chapdelaine car voilà qu’arrivent les saisonniers pour aider à couper le bois dans la forêt, principale ressource de la famille. Et donc, pendant plus de 20 minutes (le film dure 2h38) on assiste au travail de bûcheronnage, avec une scie, avec une hache, le matin, l’après-midi, le soir, etc.

A la fin de l’été, on change d’activité et on va ramasser des bleuets (myrtilles ou airelles en France) ce qui dure encore un bon quart d’heure mais qui donne l’occasion à Maria de se rapprocher de François Paradis. A la fin de l’après-midi, ils s’assoient tous les deux sur un tronc et François lui avoue qu’il reviendra au printemps suivant. Y aurait-il anguille sous roche ou plutôt écureuil sous érable ?

Bon, il va falloir encore patienter durant le long hiver québécois pour connaître la suite de l’histoire de François et Maria mais après tout, je n’ai que ça à faire.

Hélas, lors de la traditionnelle expédition à travers bois pour aller assister à la messe de Minuit (seule distraction de l’hiver avec les polissonneries du plus jeune fils qui répond au doux prénom de Télesphore) Maria apprend que contre l’avis de tous ses proches, François est parti faire une balade en forêt et qu’il n’est jamais revenu.

Le sort s’acharne sur la famille quand peu de temps après, la mère meurt de maladie. C’en est trop ! Maria fait une tentative de suicide. Elle sort dans la neige au petit matin, vêtue de sa seule chemise de nuit. Heureusement son père la retrouve très vite et dans la foulée, il l’emmène chez le psy de l’époque c’est-à-dire le curé. Celui-ci rappelle assez brutalement à Maria qu’après tout, François lui a seulement promis de « revenir au printemps prochain » ! Piètre consolation !

L’été suivant, Maria va avoir le choix entre deux prétendants : Lorenzo Surprenant qui s’en vient passer des vacances au pays après avoir fait carrière à Boston (prononcez « Boston » à la française comme « bonbon » et non pas à l’anglaise comme « bonbonne ») et Eutrope Gagnon qui comme elle, vit dans une cabane au milieu de la forêt. Après bien des tergiversations, Maria choisira bien sûr le paysan québécois pour ne pas trop s’éloigner de son père et de ses jeunes frères et sœurs.

Le film est long, très long. Il n’y a pas vraiment de scènes d’action : pas de courses poursuites en traîneau dans la neige ni de massacres à la tronçonneuse dans les bois… mais, j’ai tenu jusqu’au bout !

En revanche, comme je l’ai déjà écrit dans un article précédent, j’ai dû, pour comprendre les dialogues, lire les sous-titres anglais. Je présente une nouvelle fois toutes mes excuses aux Québécois.

Surtout, qu’ils gardent leur magnifique accent !

 

 

lundi 9 septembre 2024

La famille de Moukmouk

Lorsque j’ai quitté Montréal début octobre 2022, Moukmouk m’avait avertie qu’il allait commencer une dialyse péritonéale le mois suivant. C’est une technique moins contraignante que la dialyse classique qui peut s’effectuer chez soi, sans l’aide d’une machine mais qui doit être renouvelée quotidiennement. J’imagine qu’il lui a été tout de même très difficile de prendre cette décision qui réduisait son autonomie et le privait de tout séjour à Pohénégamouk. Hélas, lors d’une manipulation, il n’a pas dû respecter totalement les règles d’hygiène et a été hospitalisé à cause d’une infection. La suite, on la connaît : il nous a quittés un an plus tard.

 

Il m’a envoyé un mail très alarmant fin octobre 2023 où il me disait qu’il entrait en soins palliatifs et qu’il avait vu ses enfants pour la dernière fois. Je lui ai immédiatement répondu mais je n’ai plus jamais eu de nouvelles. Le pire, c’est que je ne savais pas comment joindre sa famille pour en avoir. Je ne connaissais pas ses enfants. Je savais juste que son fils aîné vivait au japon, sa fille à Vancouver et son plus jeune fils, depuis peu, à Québec.

J’avais bien l’adresse mail de sa sœur aînée que j’avais rencontré en octobre 2022. Elle aussi vivait à Montréal l’hiver et dans une jolie maison au bord du Saint-Laurent l’été. Nous nous y étions arrêtés en allant à Pohénégamook. Elle nous avait chaleureusement accueillis et nous avait offert des légumes de son jardin. Moukmouk ne la voyait que rarement car il lui reprochait d’être trop maternelle à son égard mais moi, je l’ai trouvée très sympathique. Malheureusement, elle est décédée en décembre 2022.

 

En octobre 2022, j’avais également rencontré son frère aîné et là, c’était une tout autre ambiance ! Nous étions à Pohénégamouk et il devait arriver dans la soirée avec son fils. Il avait prévu une étape entre les îles de la Madeleine et Montréal afin de récupérer le catamaran que Moukmouk ne pouvait désormais plus utiliser. C’était un petit homme glacial qui parlait peu ou alors juste pour faire des reproches à son frère comme par exemple de trop chauffer sa maison !

 

Le lendemain, nous avions prévu une excursion au bord du Saint-Laurent : visite insolite d’un sous-marin des années 60 à Pointe-au-Père puis petite balade dans le parc national du Bic. Dans la voiture, j’ai dit à Moukmouk :

-Je comprends pourquoi tu as maintenu l’excursion aujourd’hui au lieu de passer la journée avec ton frère, vous n’avez pas l’air de bien vous entendre !

Il s’était contenté d’acquiescer en souriant.

 

   

 

 

Le soir, alors que je me préparais à passer une nouvelle soirée glaciale, le neveu de Moukmouk va faire un petit tour dehors après le repas et rentre en disant :

-On voit très bien Jupiter ce soir !

Je savais que Moukmouk avait un vieux télescope dans son garage mais son neveu a sorti de sa voiture un petit bijou de technologie électronique et nous avons pu admirer Jupiter avec ses lunes galiléennes, Io, Europe et Ganymède ainsi que Saturne et ses anneaux ! Ouf ! La soirée était sauvée !

Ils sont repartis le lendemain matin, de bonne heure.

 

Je dois tout de même préciser que Moukmouk a reçu une semaine plus tard, un mail de son frère aîné dans lequel il présentait ses excuses pour s’être montré aussi désagréable lors de son passage à Pohénégamouk.

Toutefois, je n’avais pas son adresse mail pas plus que celle des trois enfants de Moukmouk. J’ai donc écrit une lettre à la résidence pour séniors où il habitait en espérant que l’un des habitants ouvrirait le courrier et me répondrait. En vain, hélas !

 

J’ai fini par envoyer un message privé à l’un de mes followers de Twitter (X) qui habite à proximité de Montréal. Il était venu déjeuner avec Moukmouk et moi dans un petit restaurant de la rue Saint-Denis en 2021. Je lui ai demandé de se rendre à la résidence pour se renseigner. C’est lui qui m’a annoncé la triste nouvelle : Moukmouk était mort depuis une semaine.

 

Jean, je te remercie encore une fois d’avoir accepté de te déplacer.

mardi 2 juillet 2024

Montréal

J’habite à Marseille, une ville formidable, certes, mais où la vie quotidienne est un peu compliquée… Premier exemple : les transports en commun. Merci Gaston Defferre qui a refusé au début des années 60, la conurbation avec les communes avoisinantes afin de préserver son électorat. Résultat : pas d’argent pour construire un métro. Marseille sera jusqu’au début des années 80, la ville du « tout voiture ». En 2024, la situation n’est guère plus brillante pour la deuxième ville de France : 2 lignes de métro seulement et 3 lignes de tramway qui, sauf sur une infime partie, côté est de la ville, doublent les lignes de métro ! Les 4 mandats du maire suivant n’ont pas été plus profitables pour les Marseillais : des écoles primaires en perdition, des quartiers parmi les plus pauvres d’Europe, des immeubles vétustes qui s’écroulent dans le centre-ville, des grèves de ramassage des ordures à répétition. Et pour finir, la guéguerre actuelle entre la nouvelle Municipalité pleine de bonne volonté et la Métropole pas du même bord politique aggrave encore plus le quotidien des Marseillais : plus de métro après 21h30 en semaine, grèves des éboueurs qui s’éternisent. L’une d’elles a même provoqué une catastrophe écologique sur les plages après une tempête mémorable.

 

Quel contraste avec la ville de Montréal où tout semble être fait pour faciliter la vie de ses habitants ! Des lignes de métro efficaces, une ville souterraine qui permet de vivre plus confortablement durant le terrible hiver québécois, des rues propres, des trottoirs dégagés…

 

Depuis décembre 2020, Moukmouk habitait dans une résidence pour seniors parfaitement adaptée à sa situation : appartements accessibles aux personnes à mobilité réduite, buanderie et salle à manger communes pour recevoir des visiteurs à chaque étage, cafétéria le midi au rez-de-chaussée. A côté de chaque porte se trouvait une petite étagère sur laquelle chaque résident pouvait poser un petit objet décoratif ou des bonbons dans une coupelle. Comme Moukouk n'avait rien sur la sienne, je lui avais offert un petit ours en peluche et une jolie carte que j’avais achetés pendant notre virée en Gaspésie. Il se sentait tellement mieux dans cette résidence que dans son précédent logement à Montréal où il était si seul ! De plus, il a pu remettre en route le journal local de l’établissement, ce qui lui a permis de s’occuper et de moins regretter de se trouver si loin de sa jolie maison au bord du lac.

 

 

Cette résidence se trouve à proximité du quartier de Lachine, une ancienne zone industrielle installée le long d’un canal qui a périclité il y a une vingtaine d’années mais qui a été parfaitement restaurée et mise en valeur : immeubles industriels reconvertis en habitations, pistes cyclables et piétonnes le long des berges et pour finir, le pittoresque marché Atwater où nous allions nous ravitailler. Une vraie réussite !

 

 

 

Et puisque j’en suis à énumérer les attraits de Montréal, je tiens à citer le magnifique jardin botanique que nous n’avons hélas, pas pu parcourir ensemble car la santé de Moukmouk ne le lui permettait déjà plus en 2021.

 

Mais Montréal n’est pas qu’une ville touristique. J’ai visité en 2019 le musée d’histoire de Pointe-à-Callière qui présentait alors une exposition temporaire sur les vagues d’immigrations successives venus d’Espagne, d’Italie, d’Algérie, d’Inde, et la politique d’intégration mise en œuvre pour accueillir ses populations. Rien à voir avec le parcage dans des cités bétonnées et les moyens pédagogiques misérables proposés aux écoles marseillaises pour enseigner le français aux enfants primo arrivants.

 

Je tiens également à remercier les deux représentants des Greeters de Montréal qui m’ont fait découvrir pour l’une, le quartier italien et la fresque du groupe Beau Dommage et pour l’autre, le restaurant où on peut manger les meilleurs bagels de la ville au pied du Mont Royal. Pour information, je fais moi-même partie des Greeters de Marseille et je montre aux touristes les bons côtés de la cité phocéenne, qui existent malgré tout et me permettent d’espérer que cette ville finira un jour par régler ses problèmes internes et devenir aussi agréable à vivre que Montréal.