La famille de Moukmouk

Lorsque j’ai quitté Montréal début octobre 2022, Moukmouk m’avait avertie qu’il allait commencer une dialyse péritonéale le mois suivant. C’est une technique moins contraignante que la dialyse classique qui peut s’effectuer chez soi, sans l’aide d’une machine mais qui doit être renouvelée quotidiennement. J’imagine qu’il lui a été tout de même très difficile de prendre cette décision qui réduisait son autonomie et le privait de tout séjour à Pohénégamouk. Hélas, lors d’une manipulation, il n’a pas dû respecter totalement les règles d’hygiène et a été hospitalisé à cause d’une infection. La suite, on la connaît : il nous a quittés un an plus tard.

 

Il m’a envoyé un mail très alarmant fin octobre 2023 où il me disait qu’il entrait en soins palliatifs et qu’il avait vu ses enfants pour la dernière fois. Je lui ai immédiatement répondu mais je n’ai plus jamais eu de nouvelles. Le pire, c’est que je ne savais pas comment joindre sa famille pour en avoir. Je ne connaissais pas ses enfants. Je savais juste que son fils aîné vivait au japon, sa fille à Vancouver et son plus jeune fils, depuis peu, à Québec.

J’avais bien l’adresse mail de sa sœur aînée que j’avais rencontré en octobre 2022. Elle aussi vivait à Montréal l’hiver et dans une jolie maison au bord du Saint-Laurent l’été. Nous nous y étions arrêtés en allant à Pohénégamook. Elle nous avait chaleureusement accueillis et nous avait offert des légumes de son jardin. Moukmouk ne la voyait que rarement car il lui reprochait d’être trop maternelle à son égard mais moi, je l’ai trouvée très sympathique. Malheureusement, elle est décédée en décembre 2022.

 

En octobre 2022, j’avais également rencontré son frère aîné et là, c’était une tout autre ambiance ! Nous étions à Pohénégamouk et il devait arriver dans la soirée avec son fils. Il avait prévu une étape entre les îles de la Madeleine et Montréal afin de récupérer le catamaran que Moukmouk ne pouvait désormais plus utiliser. C’était un petit homme glacial qui parlait peu ou alors juste pour faire des reproches à son frère comme par exemple de trop chauffer sa maison !

 

Le lendemain, nous avions prévu une excursion au bord du Saint-Laurent : visite insolite d’un sous-marin des années 60 à Pointe-au-Père puis petite balade dans le parc national du Bic. Dans la voiture, j’ai dit à Moukmouk :

-Je comprends pourquoi tu as maintenu l’excursion aujourd’hui au lieu de passer la journée avec ton frère, vous n’avez pas l’air de bien vous entendre !

Il s’était contenté d’acquiescer en souriant.

 

   

 

 

Le soir, alors que je me préparais à passer une nouvelle soirée glaciale, le neveu de Moukmouk va faire un petit tour dehors après le repas et rentre en disant :

-On voit très bien Jupiter ce soir !

Je savais que Moukmouk avait un vieux télescope dans son garage mais son neveu a sorti de sa voiture un petit bijou de technologie électronique et nous avons pu admirer Jupiter avec ses lunes galiléennes, Io, Europe et Ganymède ainsi que Saturne et ses anneaux ! Ouf ! La soirée était sauvée !

Ils sont repartis le lendemain matin, de bonne heure.

 

Je dois tout de même préciser que Moukmouk a reçu une semaine plus tard, un mail de son frère aîné dans lequel il présentait ses excuses pour s’être montré aussi désagréable lors de son passage à Pohénégamouk.

Toutefois, je n’avais pas son adresse mail pas plus que celle des trois enfants de Moukmouk. J’ai donc écrit une lettre à la résidence pour séniors où il habitait en espérant que l’un des habitants ouvrirait le courrier et me répondrait. En vain, hélas !

 

J’ai fini par envoyer un message privé à l’un de mes followers de Twitter (X) qui habite à proximité de Montréal. Il était venu déjeuner avec Moukmouk et moi dans un petit restaurant de la rue Saint-Denis en 2021. Je lui ai demandé de se rendre à la résidence pour se renseigner. C’est lui qui m’a annoncé la triste nouvelle : Moukmouk était mort depuis une semaine.

 

Jean, je te remercie encore une fois d’avoir accepté de te déplacer.

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