Moukmouk l'Indien suite

Si Moukmouk écrivait sur son blog des histoires avec tant de poésie, c’est grâce à ses origines et à sa culture amérindienne.

 

J’ai déjà raconté comment il en avait souffert pendant son enfance et comment il en avait conçu une grande répulsion vis-à-vis de la religion catholique comme d’ailleurs, beaucoup de ses compatriotes. Alors qu’en France, l’Eglise et l’Etat ont été séparés en 1905, il a fallu attendre jusqu’à la fin des années soixante pour que les Québécois prennent enfin leurs distances avec la religion qui régentait entièrement leur vie. La preuve : presque tous les noms des villes et villages ont pour nom Saint-Quelque Chose et les injures traditionnelles font référence à la religion comme le fameux « Tabernacle ».

 

Heureusement, Moukmouk a renoué avec la sagesse de ses ancêtres certainement grâce aux longs séjours qu’il a passés dans la solitude du Grand Nord canadien et ceux au bord de son lac de Pohénégamook. Du moins, c’est ce que j’ai cru comprendre et j’ai envie de vous raconter quelques anecdotes amusantes à ce sujet.

 

Dans les délicieuses histoires que Moukmouk a postées sur son blog, il donne souvent des noms propres aux animaux : Koi-Koi, la vieille oie des neiges, Estelle et Célestine, les dames Caribous et bien d’autres encore… Dans la vie, il le faisait aussi. Un après-midi, nous observions les oies bernaches qui nageaient sur le lac de Pohénégamook à travers la grande baie vitrée du salon. Soudain, quelque chose a jailli des flots et a tenté de s’emparer d’un des volatiles. « Il y a vraiment un monstre dans le lac ? » ai-je demandé, surprise, à Moukmouk. « Non, m’a-t-il répondu, c’est la truite … (j’ai malheureusement oublié le prénom) qui vit ici depuis plus de trente ans. Elle est devenue énorme et essaie parfois d’attraper un oiseau ».

 

La deuxième anecdote concerne ses parents.

 

Moukmouk m’a souvent parlé de sa mère décédée des années auparavant et qu’il avait accompagnée jusqu’au bout. Ils avaient l’habitude de faire des parties de Scrabble et lorsqu’elle a commencé à perdre la tête, il la laissait gagner pour qu’elle ne se rende pas compte de son état. Quant à son père disparu bien avant il m’a raconté un jour, un souvenir d’enfance qui m’avait bien amusée.

 

Son père avait l’habitude de l’emmener randonner en forêt avec son frère et sa sœur. Mais il n’emportait aucun pique-nique. Au moment du déjeuner, il disait : « Les enfants, commencez à préparer un feu pendant que je vais chercher de quoi manger ». Et il revenait un peu plus tard après avoir chassé, pêché ou cueilli leur repas de midi.

 

Cette façon de faire est tellement éloignée de nos habitudes de confort actuelles m’avait laissée mi-éberluée mi-admirative. Alors un dimanche soir, j’ai décidé de le surprendre à mon tour. Je lui ai dit : « Je vais faire une tarte aux pommes à la façon de ton père. Tu as de quoi faire la pâte, je vais chercher des pommes ». Evidemment, aucun magasin n’est ouvert le dimanche soir à Pohénégamook mais j’avais repéré un pommier au bord de la route, pas très loin et je suis allée ramasser suffisamment de pommes pour faire la tarte. Et toc !

 

Pour terminer, je vais vous raconter l’une des premières soirées que j’ai passée avec Moulmouk et qui décrit exactement ce qu’il était. Nous étions allés à Tadoussac pour voir les baleines et nous logions dans une auberge de jeunesse. Le gérant nous a proposé de dîner à une grande table avec les autres résidents et nous avons bien sûr accepté. C’était fin septembre et il y avait encore des touristes, principalement français. Pendant le repas, Moukmouk a raconté ses histoires d’animaux, de baleines, de bélougas et autres comme il le faisait sur son blog et tout le monde l’écoutait. A la fin de la soirée, plusieurs personnes sont venues me voir pour me dire combien elles avaient trouvé mon ami intéressant et passionnant.

 

Il était tout cela et bien plus encore et je mesure à quel point j’ai eu de la chance d’avoir pu le rencontrer.