Moukmouk l'Indien

Pour les Européens, l’Indien exerce une sorte de fascination. Depuis le magnifique film « Danse avec les loups », il représente un peuple sage qui vit en communion avec la nature, qui la comprend, la respecte et la préserve.

 

Mais au Québec, le mot « Indien » a un sens nettement péjoratif. Il désigne le sauvage par opposition au civilisé, celui qui vit comme une bête en suivant ses instincts, sans morale ni foi. « Amérindien » qui pourtant corrige l’erreur de Christophe Colomb et des premiers explorateurs occidentaux n’est guère plus convenable. Alors comment faut-il dire ? ai-je demandé à Moukmouk.

 

On utilise maintenant les termes de « Premières Nations » (ou « Native » pour les anglophones) qui traduisent enfin la légitimité des premiers habitants du Nouveau Monde. Mais le mieux est de donner le nom de chaque tribu.

 

Encore faut-il les connaître car elles sont très nombreuses ! J’ai appris que, rien qu’au Québec, il y avait les Algonquins, tribus habitant les forêts, les Micmacs, tribus habitant au bord de la mer en Gaspésie, mais aussi les Hurons, alliés historiques des Français alors que les Iroquois étaient ceux des Anglais et bien d’autres encore.

De plus, tous ces noms ont été donnés par les colons européens et ne sont pas ceux d’origine.

Par exemple, Moukmouk faisait partie de la tribu des Malécites mais le nom véritable est « Wolastoqiyik ». Les terres de ses ancêtres que nous sommes allés visiter se trouvent à Cacouna, sur la rive sud du Saint-Laurent non loin de Rivière-du-Loup.

 

Il était très fier de sa grand-mère qui avait l’honneur suprême d’être mère de clan, personnage le plus important de la tribu, plus encore que le grand chef. C’est elle qui veille au bien-être de la tribu et décide entre autres, qui mangera en premier. Les missionnaires catholiques l’avaient bien compris car ils ont bâti de nombreuses églises dédiées à Sainte-Anne qui est, rappelons-le, la mère de la Vierge Marie et qui, de ce fait, tient le rôle de mère de clan dans la religion catholique.

 

Moukmouk avait très mal vécu sa différence quand enfant, on l’avait envoyé à l’école dans une institution privée catholique. Il était devenu un petit sauvage perpétuellement en rébellion contre ses enseignants. Adulte, il ne voulait plus mettre un pied dans une église et j’ai dû particulièrement insister pour que nous allions visiter la basilique Sainte-Anne de Beaupré sur la rive nord du Saint-Laurent. Et effectivement, on y trouve dans la crypte une fresque représentant le « bon » Indien converti à la « vrai » foi, en adoration devant une représentation de Sainte Anne.

 

A l’inverse, nous avons découvert dans le musée de la vieille Gare à Rivière Bleue, des manuels d’histoire du siècle dernier qui racontait la vie de « gentils » missionnaires torturés et mis à morts par de « vilains » Indiens. Ce musée construit comme son nom l’indique dans l’ancienne gare retrace l’histoire de la petite ville, de l’arrivée des premiers colons à son expansion au moment de la construction du chemin de fer. On y découvre comment on vivait autrefois dans ces contrées au climat très rude en hiver. On y voit même un minuscule abri antiatomique de deux mètres sur trois, exclusivement attribué au chef de gare ! En revanche, comme me l’a fait remarquer Moukmouk, on n’y trouve aucune mention des premiers habitants de ce pays, ces tribus qui l’ont occupé bien avant que les premiers Blancs ne s’y installent et s’emparent de leurs terres.

 

Heureusement, les mentalités évoluent petit à petit et les Québécois commencent à considérer les membres des Premières Nations comme faisant partie intégrante de leur histoire.

Pour preuve : le drapeau de Montréal. Il est composé d’une grande croix rouge délimitant quatre espaces. En haut : à gauche, la fleur de lys française et à droite, la rose anglaise. En bas : à gauche, le chardon écossais et à droite, le trèfle irlandais. Mais en 2017 on a rajouté au centre de la croix, un pin blanc, symbole des peuples autochtones.