Moukmouk et la maladie

Lorsque je suis allée le voir pour la première fois à l’automne 2019, il était déjà malade. Ses problèmes cardiaques et rénaux l’avait contraint à rendre son permis de conduire mais il était encore capable de prendre le bus entre Montréal et Pohénégamook.

 

Nous nous étions donné rendez-vous à Québec où il avait loué un Airbnb. Le lendemain nous avons visité cette ville, une des rares villes historiques d’Amérique du Nord avec son château et ses vieilles rues. Malheureusement, nous nous sommes trompés pour le retour en bus et il nous a fallu marcher environ trois kilomètres pour revenir à notre logement. Pour moi, ce n’est rien mais lui, s’essoufflait très vite et nous avons dû faire de nombreuses pauses. Heureusement nous avons traversé un charmant quartier résidentiel avec de très jolies maisons, certaines même arborant déjà les décorations d’Halloween qui sont bien plus spectaculaires qu’en Europe.

 

Evidemment, il ne se plaignait jamais. A peine disait-il de temps en temps : « Le vieux monsieur est un peu fatigué ». Mais je voyais bien qu’il prenait déjà tout un tas de médicaments.

 

Alors, pendant tout le reste de mon séjour, j’ai fait très attention à ce qu’il n’ait pas à marcher longtemps et lorsque je voulais faire une petite balade au parc des Chutes à Rivière du Loup ou à celui de Saint-André de Kamouraska le long du fleuve Saint-Laurent, je lui trouvais un banc au soleil où il pouvait m’attendre ou alors, je le laissais se reposer dans sa jolie maison de Pohénégamook et je partais seule, me promener dans les bois, ce qui m’a valu une rencontre amusante avec des bûcherons que je vous raconterai plus tard.

 

Lorsque je suis repartie, Moukmouk m’a avoué qu’il avait eu un peu peur que je m’ennuie chez lui ou que je bouscule trop ses habitudes mais que finalement, je m’étais montrée très autonome et qu’il était très content que tout se soit s’y bien passé.

 

Il allait alors suffisamment bien pour que je lui propose de venir quelques jours à Noël à Marseille. Hélas, son état de santé ne le lui a finalement pas permis. Puis début 2020, la terrible pandémie de Covid a empêché tous déplacements et il a passé une bonne partie de l’année à l’hôpital de Montréal. Il s’est alors retrouvé vraiment seul, ses enfants habitant très loin, Toronto, Vancouver et Tokyo, et n’ayant pas la possibilité d’aller le voir à cause de la crise sanitaire mondiale.

 

Heureusement, fin 2020, il a déménagé dans une résidence pour séniors où il s’est fait des amis. Il a même relancé le petit journal de la résidence des Bâtisseurs dont il est devenu le rédacteur en chef.

 

Je n’ai pu me rendre à nouveau au Québec qu’à l’automne 2021. La frontière a ouvert le 1er septembre, je suis arrivée le 21. J’étais si contente de retrouver Moukmouk ! Il n’était plus capable d’affronter le long voyage en bus jusqu’à Pohénégamook et devait dormir avec un respirateur. Nous avons loué une voiture et ainsi il a pu passer quelques jours dans sa maison au bord du lac. Nous avons même organisé une petite virée en Gaspésie que je vous raconterai plus tard.

 

Lors de mon dernier séjour au Québec à l’automne 2022, il avait encore plus de mal à marcher et il était souvent fatigué car il dormait mal la nuit. Grâce à moi, il a pu retourner une dernière fois à Pohénégamook. Le jour de mon départ, il m’a avoué qu’il allait commencer une dialyse au mois de novembre suivant.

 

Il ne lui restait plus qu’un an à vivre. Repose en paix, Moukmouk.