À une Amoureuse

Une reprise du dimanche, pour expliquer pourquoi je nourris les oiseaux, et parce que je suis amoureux ce matin, même si je n'ai pas de Blonde.

Voilà, quand on revient chez soi après un long moment, on se sent bien, mais la maison et le terrain demandent de l'amour. Il a fallu que je bêche le tas de compost et que j'en sorte une grosse brouette, histoire de faire de la place et que ça ne devienne pas une montagne de compost. Un gros, très gros effort. 
Ça prend une pose, la chaise longue près du tilleul quoi de mieux ? Ça piaille furieusement au-dessus de moi. Il semble y avoir un grand débat entre les roselins trop gourmands sur la façon de manger ce qui s'y trouve. Un bruant familier crie son indignation, et Annie la mésange ricane. Dans l'herbe, Maki le merle, méprisant ces débats futiles, écoute avec attention pour entendre le bruit d'un ver ou d'une larve de cigale. Juste au bout de mon bras, il y a une petite table avec mon verre dessus. Je ferme un peu les yeux, qu'il fait bon. 
Une ombre brune passe. Je me retourne lentement pour prendre mon verre et je vois au coin le plus éloigné de la table mon amie moucherole, elle me regarde, me salue de nombreux hochements de tête et de queue à son habitude, mon geste du bras la fait fuir. En s'envolant, une graine tombe de son bec, je vais voir. Un lampyre, une mouche à feu, à peine écrasé, toujours vivant, un régal pour une moucherole. 
C'est une grosse femelle avec ses deux derniers anneaux sont plein de luciférine, elle doit briller très fort la nuit. Tout de suite, il faut dire que les lampyres n'ont rien à voir avec les mouches. Ce sont des coléoptères comme les coccinelles, et comme elles, de féroces prédateurs de larves et de petits insectes. 
Vous pouvez très bien interpréter la chose comme l'oiseau apeuré à laisser tomber sa proie avant de s'envoler. Mais je ne le crois pas. Quand je veux établir un lien avec un être vivant, je lui offre un petit cadeau. Une sardine, des graines, de l'eau sucrée, un joli caillou, un livre, je pense que ça fait un souvenir de cette heureuse rencontre. Je veux comprendre que cette dame moucherole phébi a pris le risque considérable de s'approcher de moi, pour m'apporter un très beau cadeau brillant et sans doute délicieux pour elle, un lampyre. Que celui qui le reçoit ait on non usage du cadeau n'a rien à voir, c'est l'intention qui compte. A tout le moins elle m'a donné un sujet de billet. Oui, une oiselle m'aime. Comment après cela réussir à être malheureux ?