Mon ami le Pic, Oraison funèbre

Mon ami Pic s’est fracturé la colonne vertébrale en frappant une fenêtre à midi. Un pic mineur, un pic extraordinaire.

Certains vous diront que c’était un pic ordinaire, semblable à tous les autres. Oui, extérieurement, c’était un pic mineur comme les autres pics mineurs. Je le connais parce que depuis 7 ou 8 ans, il nettoie les arbres autour de la ouache. Travailleur dévoué et patient, il fait son boulot sans rien demander, sans crier sans se montrer pour les applaudissements, pourtant grâce à lui, il y a encore des arbres ils ne sont pas morts margés par les insectes.

 

Un pic mineur, c’est un peu comme ces laveurs de vitres des grands édifices. On en a besoin pour voir dehors, et comment vivrait-on dans ces tours si on ne voyait pas dehors? Pourtant ils font ce travail pour se nourrir et nourrir leurs enfants. Parfois une télé en manque de nouvelles, fait un reportage sur ces merveilleux équilibristes qui risquent leurs vies chaque jour, pour que la ville survive, pour que les humains survivent dans la ville. Un pic mineur c’est un nettoyeur d’arbres. Aussi essentiel que les fourmis que nous sommes.

 

Accident du travail. Le petit acrobate est tombé de son fil. C’est sans importance, la télé n’en parlera pas plus que les fourmis écrasées sous les roues des autos. Il n’était ni un assassin ni un voleur, un travailleur de l’ombre.

 

Mais pour moi, il était LE pic mineur, celui dévoué qui permettait aux arbres autour de moi de rester propre et de respirer. Je suis comme lui sans importance, je veux dire la Beauté du monde, vivre la Beauté du monde et j’en mourrai, comme lui, parce que la Beauté du monde est dans l’équilibre.