Rêve sourire

Il m'est venu un rêve heureux. Vive les baleines.

Hier soir avant de dormir, je placotais avec une copine à Plumes, des bélugas du Saint-Laurent et particulièrement de ma petite amie Namiko. Je m'ennuie d'elle. Depuis qu'elle a un petit à sa charge je ne l'ai pratiquement plus revue, sinon de loin au milieu d'un groupe de filles qui s'entraident dans l'éducation et la protection des petits.

Je me suis couché l'appelant espérant la voir dans mes rêves. Namiko, c'est du japonais et ça veut dire « petite vague », alors pour la faire venir je me suis reconstruit dans la tête, le paysage de l'Ile Rouge sous un soleil rasant du matin, avec juste une faible houle, souvenir d'une lointaine tempête. Je me suis endormi un grand sourire aux lèvres.

Mais ce n'est pas Namiko qui est venue, mais Hélis le Sage. Il est très facile à reconnaître, non seulement à cause de sa cicatrice, mais aussi à cause de sa voix un peu feutrée, moins forte que les autres bélugas du Saint-Laurent, une voix qui médite et hésite comme si chaque mot cachait un sens qu'il cherche encore. J'aimerais beaucoup, mais je me sens bien incapable de l'aide dans sa propre quête d'un sens. Nous avons beaucoup de points communs, le même age, le même refus des frontières où de tout ce qui pourrait nous enfermer, le même besoin de regarder plus loin, même si nos yeux sont très imparfaits.

Mais surtout, nous avons besoin de parler à tout ce qui vit, c'est une tentative généralement vaine si on attend des réponses. Il faut tenter quand même de repousser la barrière qui nous isole, rejoindre les arbres et les oiseaux parce que leur nature différente peut nous apprendre un chemin différent pour sortir de l'impasse actuelle. Il nous faut donc tenter de comprendre l'autre, saisir la complexité de son monde, sentir par ses sens pour entendre son discours. Hélis comprend mieux les oiseaux, il vit comme eux dans un monde en trois dimensions alors que je comprends mieux les arbres qui tentent le mouvement par l'extension de la forêt.

Je me suis réveillé avec une paix nouvelle. Je ne sais pas si c'est un message d'Hélis, mais je sais qu'il ne faut plus avoir d'espoir que la société industrielle survive. Ce qui est insoutenable ne peut être soutenu. Et même si l'effondrement de ce monde entrainera des maux terribles, le refus de l'espoir nous donnera des outils nouveaux pour comprendre et permettre qu'un peu de vie traverse la terrible nuit.