Le Gros Pèlerin

Kamouraska peut se traduire par les grands marais. Mais on a construit des aboiteaux, si bien que maintenant ce sont des terres agricoles. Un peu dommage parce que ces grands marais étaient des filtres extraordinaires, et des résidences cossues pour les canards. Mais c’est toujours, un des plus beaux coins du Québec.

S’il n’y a plus de marais, il y a encore l’estuaire du Saint-Laurent, les îles et les très beaux couchers de soleil. Demandez à Dodinette, elle confirmera. Deux archipels sur ce territoire, les îles de Kamouraska, et les îles Pèlerins, nommées ainsi parce que ce sont des refuges d’oiseaux de mer.

La plus grosse des îles Pélerins est logiquement appelée Le gros Pèlerin. L’été, une multitude d’oiseaux de mer d’une quarantaine d’espèces différentes se disputent l’espace, et jouent à qui criera le plus fort. Évidemment, c’est interdit aux humains. Mais les ours ne sont pas soumis à la même réglementation, et vous pouvez y aller si vous vous faites accompagner d’un ours, il s’agit de choisir le bon.

J’y suis retourné récemment, et j’ai constaté un grand changement dans la population. Les goélands, les pingouins et les kakawis ( en petit nombre) étaient toujours là, mais il n’y a plus de grèbe, de guillemot, de cormoran, ni de sterne. Si le vent avait été moins fort, sans doute j’aurais constaté que cela faisait moins de bruit. Mais ça hurlait comme loups en fête.

Sur la plaine sommitale, des petits sapins qui n’ont pas plus d’un mètre de haut, le vent d’hiver brûle tout ce qu’il y a au dessus de la neige. Mais ça pousse en touffe tellement dense qu’on pourrait marcher dessus avec des raquettes. Vous voyez les falaises très blanches, pourtant ce n’est pas une île calcaire, c’est du guano. Impossible d’y grimper même en acceptant de sacrifier ses vêtements. Il faut monter par l’ouest, plus accessible, et surtout moins salissant. Mais ça vaut l’effort, on s’y sent à sa juste mesure, tout petit, au centre du monde. Le vent, la mer, les montagnes, des forces énormes qui s’opposent là depuis deux milliards d’années. Ils s’opposeront longtemps après que les mammifères auront cessé de jouer à qui pisse le plus loin.

J’ai emprunté la photo au dépliant de la Société Duvetnor, qui gère ces îles.