Et de deux: L'enfant que j'étais

Oui, oui je reviens au questionnaire des copines Meerkat et DieuDesChats. En passant avez-vous lu le dernier billet de DDC? Etre atteint à ce point-là par la soumission aux félins, c'est triste. Je suis sûr qu'un traitement contre une pareille affection (dans le sens de maladie) est remboursé... Revenons aux choses sérieuses.

Qu'est-ce que j'ai gardé de l'enfant que j'étais? Plusieurs vous diraient que j'ai tellement gardé de mon enfance que je ne suis pas encore un adulte, que je ne suis pas responsable et sérieux. Et c'est vrai parce qu'à voir la passion de tout détruire des gens raisonnables et sérieux, ça m'intéresse pas vraiment.

Je pourrais raconter que je n'ai pas eu une enfance très heureuse et plutôt solitaire. Mais il faudrait aller trop dans les détails et ça n'a plus vraiment d'importance. Qu'il y a avant que je puisse lire, et après, j'ai eu très tot une passion pour la lecture, j'y trouvais tout le monde que je voulais, vivant le moins possible dans celui qu'on dit réel parce que je ne m'y trouvais pas de place.

Mes premiers maîtres ont été les castors. Il y en avait un clan tout près de chez moi, et quand on me cherchait c'était d'abord chez eux. Ce n'est pas pour rien qu'on les appelle les petits frères bavards. Pour raconter des histoires, difficile de trouver mieux que les castors. Il est facile de croire aux histoires des castors parce qu'ils sont toujours très sérieux même quand ils racontent les pires bêtises. Et puis les histoires des castors étaient beaucoup plus près des miennes que les histoires des humains que je n'ai jamais vraiment compris.

J'ai donc commencé à faire des barrages moi-aussi. Pas des grands trucs comme les castors, mais des petits barrages sur de petits ruisseaux. Là, il y avait une grive qui se prennait très aux sérieux comme toutes les grives. Elle ne se gênait pas pour me dire que j'étais ridicule à faire des barrages, que je n'étais pas un castor, et qu'il fallait que je ramasse des graines, que la vie c'est ça. Elle était tellement persuadée qu'elle avait raison, que j'ai compris que ce qui est important pour quelqu'un ne l'est pas forcément pour un autre, alors les vérités absolues, ils peuvent se les mettre où je pense.

Et puis, il y a eu l'école, pensionnaire loin de la forêt, il n'y avait rien à apprendre là, sauf qu'il y avait des livres, peu de vraiment intéressant dans la bibliothèque, mais je pouvais en acheter. Konrad Lorenz, Kipling, London, Steinbeck, Hemingway, que d'amis. Alors de 9 à 16 ans, c'est la seule chose qui a eu de l'importance... jusqu'à ce qu'une fille m'enlève mon livre et me force à la regarder, mais ça c'est une autre histoire.

Finalement, l'important ce n'est pas ce que j'ai gardé, mais ce que je n'ai pas perdu. Je veux continuer à écouter et à discuter avec tous ceux qui ont quelque chose à dire, baleines, oiseaux, castors, humains... Je ne comprends pas toujours, je comprends vraiment assez rarement... Mais c'est le mélange de toutes ces voix qui font ce que je suis.

Et je répête la voix des castors aux oiseaux, celles des baleines aux humains, celles des oiseaux aux baleines, pour que chacun voit plus large, tente de comprendre que la vie est une, qu'il y a un seul chant avec chacun notre petite part. Essayons de ne pas trop fausser.