Et de Trois: Les yeux des loups
vendredi 17 août 2007, 14:54 General Lien permanent
Il y a tellement de mythe qui entourent les loups, qu'il va me falloir faire une longue présentation avant de vraiment d'aller au coeur du sujet. J'espère ne pas ennuyer avec de déboulonnage d'idées fausses, mais il y a un cout avant de voir dans les yeux des loups.
Les éthologues qui ont étudié les loups en liberté sont formels: le comportement des loups en cage n'a rien à voir avec un loup en liberté. Toutes les fadaises sur le mâle alpha, la domination et la structure rigide de la meute ne se rencontre pas avec des loups en liberté. La meute est composée de parents proches qui partagent des objectifs communs. Il faut avoir une idée précise de ce qu'est une société clanique pour comprendre le fonctionnement de la meute. C'est d'abord la recherche d'un consensus, et la réelle volonté d'être ensemble qui oriente le groupe. Et il est possible à un loup, plus facilement qu'à un membre d'un clan humain, de changer de clan. Le lien du clan, est d'abord un lien chimique, un lien d'odeur, et cette odeur définit l'identité. La notion de « je » moderne telle que construite depuis Descartes, est un frein majeur à la compréhension des loups.
Ma thèse qui est moins acceptée mais qui me semble le point fondamental pour la compréhension des loups, ce n'est pas un mâle alpha, mais la génitrice de la meute qui est le pivot décisionnel du groupe. Evidemment, les manifestations d'autorité sont le fait du premier gardien, il dirige généralement la chasse, parce qu'elle est au liteau. La plupart des éthologues sont des mâles blancs, imbus de la supériorité du mâle, et n'accepte pas de voir ce fait fondamental.
Il n'y a pas eu d'attaque d'humains par des loups en liberté ( par contre c'est très fréquent de la part de chiens). Il est impossible de trouver un seul rapport récent fiable d'un tel accidents, et quand on remonte, les documents deviennent très douteux. On homme meurt en forêt, sa carcasse sera nettoyé, on ne perd pas de protéines en forêt. C'est très facile à comprendre, les loups ont un odorat aussi puissant que celui des meilleurs chiens. Ils savent à l'odeur tout ce qui se passe à 2 kilomètres autour d'eux. Les humains puent beaucoup trop la violence, la peur et le mépris, pour qu'un loup accepte de s'approcher d'un homme, à moins que, et construire cet « à moins que » est l'oeuvre d'une vie. Il n'y a pas de savon pour laver la violence.
Ce qui unit le clan c'est l'amour, les loups sont plus que fidèles, ils s'unissent en enfance en partageant une odeur, et cela les lient par dessus toutes les contraintes et les difficultés. L'amour chez les loups n'est pas un objectif de reproduction mais un mode de vie.
Il y a les cas des loups qui ont été touchés par des humains lorsqu'ils étaient bébés. Eux, accepteront la proximité des humains mais dans des conditions bien particulières. Il n'y a pas de grands méchants loups, parce que les humains sont trop méchants pour qu'un loup s'approche. Les légendes Inuites et Innus surtout parlent de loups fous que tous les animaux cherchent à tuer, mais ce sont des légendes et parlent probablement plus de la maladie mentale des humains qui parfois ne trouvent pas de solution dans le clan.
J'ai eu la chance de voir des loups. Ou plutôt, des loups ont quelques fois acceptés que je les vois, ce n'est pas une question de chance. Seul jamais assez près pour voir dans leurs yeux, et puis je n'ai pas une très bonne vue. Il y a une exception le vieil Ijjilik, mais il a rencontré des humains lorsqu'il était louveteau, et à son age, il désire la mort.
Le loup est un prédateur, il est responsable de la santé de sa proie. L'humain est un prédateur qui ne tuant pas lui-même sa proie a perdu le sens de la responsabilité. Le regard du loup, le regard qu'il porte sur le monde, c'est la façon de voir que je veux apprendre, mais j'en suis encore loin. Mais je vis la plupart du temps dans le monde des humains et je n'ai pas la liberté que donne la forêt. Me comporter comme un loup, je serais depuis longtemps mort, il n'y a pas dans la ville, la possibilité de fuir.
Le regard du loup, c'est de comprendre qu'être vivant c'est être responsable de tout ce qui vit.
Commentaires
Si l'homme était vraiment un loup pour l'homme tout irait peut être mieux.
Moukmouk tu es un amour ! Ton billet me ravit, j'aime les loups, j'aime ce que tu en dis. Oui, c'est ce dont j'avais envie que tu parles et je pense que Dieudeschats aussi, en te demandant ce que tu voyais dans le regard des loups.
Tu me fais ressentir combien ils sont uniques et complexes, et combien leur beau mystère demeure.
C'est déjà tellement difficile d'observer les animaux sans les oeillères de nos pensées, d'essayer seulement de "voir", si en plus on garde de la violence et du mépris en soi... Mais je crois que certaines éthologues femmes ont une approche différente et savent faire confiance à leur empathie. C'est le cas dans l'observation des babouins.
(je ne te suis toujours pas sur le fait que l'homme devrait tuer sa proie pour prendre conscience de ses responsabilités, on n'en est plus là, et la responsabilisation doit se faire autrement, ça me fait en plus trop penser aux chasseurs qui se proclament défenseurs de la nature quand si nombreux sont les viandards)
Moi qui n'aime pas les billets longs, celui-là est trop court (comme d'autres d'ailleurs). A priori je ne me pose pas de questions sur les loups mais là ils deviennent interessants.
J'aime les loups... quelque chose de félin en eux :-p
Typiquement, là, les mots me manquent.
Mirza--) je suis sur que tu peux dire quelque chose quand même
DDC--) disons que les loups et moi on va prendre cela comme une blague
TTo2--) peut-être parce qu'ils refusent la proximité des humains?
Meerkat--) je ne suis pas dans un système causal, ce n'est pas parce que les humains ne tuent pas ce qu'ils mangent... mais ce fait peut contribuer à considérer la vie comme une marchandise. La solidarité avec tout ce qui vit, c'est une attitude qui touche tous les aspects de la vie, si on voulait une cause on pourrait dire la marchandisation, mais ça aussi c'est une valise qui contient trop de trucs pour être signifiant.
Catherine--) les humains seraient certainement plus amoureux.
J'ai bien l'impression que le loup a tout compris... si seulement il pouvait nous donner un peu de sa sagesse !
Je découvre depuis peu tes billets, que je lis avec grand bonheur. J'ai mis du temps à aimer la nature (ben oui !) et tes textes sont une passerelle merveilleuse vers la faune.
J'ai une question: pourquoi cette peur comme inscrite en nous envers les loups ? J'ai pu le constater avec ma fille, aujourd'hui âgée de 5 ans. Jamais nous ne lui avions fait peur avec ces animaux. Au contraire, nous avions des bouquins pour enfants qui en donnaient une autre image que celle qu'on inculquait aux enfants dans les précédentes générations. Et pourtant, dès l'âge de 2 ans, l'image d'un loup l'effrayait...
Ah oui, effectivement le buner de la légende a vraiment raconté des blagues...
Ca ne m'étonne pas que les loups libres soient si différents des loups en captivité. Il n'y a qu'à regarder les hommes en captivité. Si des extraterrestres débarquaient sur Terre et jugeaient l'humanité sur les réflexes, les liens et la hiérarchie des prisons, je me demande bien quelles conclusions ils en tireraient...
Je savais déjà tout cela car j'ai l'immense chance d'habiter là où il y a d'ardents et actifs défenseurs des loups, et qu'ils ont fait un formidable travail d'éducation. Nous aimons beaucoup les loups, bien sûr ceux que je connais ont appris à cotoyer les hommes, mais ils sont en liberté, pas en captivité, même si leur liberté est devenue du même ordre que la nôtre.
J'aime beaucoup ton billet et tes explications. J'espère que beaucoup de personnes liront cette note et vaincront leurs préjugés si elles en avaient.