A L'auberge: la cantatrice voyageuse

Le premier train pour le Sud est passé et de nombreux estivants en ont profité pour retourner vers des contrées plus chaudes. Il faut vraiment considérer les oiseaux comme des imbéciles pour penser que de leurs seules petites ailes, les passereaux peuvent faire des voyages de plusieurs milliers de kilomètre, alors qu'il est si simple de se laisser pousser par le vent.

Un grand vent du Nord est passé et plusieurs de mes petits amis à plumes en ont profité pour aller chanter ailleurs. Mais si je suis triste du départ des chardonnerets, de plusieurs roselins, de piouis et des sittelles, il arrive du Nord des nouveaux visiteurs. Et puis les timides, les geais, les pics, plusieurs parulines, profitent des tarifs d'automne pour s'installer pour un temps à L'Auberge de l'ours qui danse.

Le chien Platon comme de nombreux estivants, est retourné à la ville, il est temps que je renoue avec Madame Kiounik, la loutre qui chante. Je n'ai pas trop d'espoir, elle m'attendait au printemps et j'ai été tellement mal poli qu'il est normal qu'elle se méfie et me demande amende honorable avant de revenir me faire ses amitiés.

A divers indices, je sais qu'elle a déménagé d'une trentaine de mètres. Elle était sur le lac, près de l'embouchure de la rivière, elle est maintenant sur la rivière mais près du lac. Sans doute trouve-t-elle le coin plus tranquille, parce que sur le lac, l'été des dizaines d'enfants passaient devant sa porte. Je vais donc faire un pique-nique sur la berge de la rivière, avec des maquereaux fumés bien odorants et des sardines que je fais griller sur un petit feu. Du pain, du vin et des fruits, voilà de quoi passer plusieurs heures au plus près du bonheur. J'ai vu bouger, je devrais dire plutôt frémir de l'autre coté de la rive, mais je n'ai pas vu de loutre. Je ne sais pas si c'est la même ou une autre... le prix à payer pour renouer sera plus grand mais je ne me plains pas.

Et puis un chant magnifique attire mon attention:

On dit qu'elle turlute, grisolle et tire-lire. Moi je dis qu'elle chante, parce que si un son peut convenir à ce mot, c'est bien cela. Dans plusieurs régions de France on l'appelle Calinette. C'est l'allouette des champs qui ici, préfère vivre au delà de la limite des arbres et doit migrer au sud pour l'hiver.

C'est un oiseau très menacé par la disparition de ses habitats. Le Nord restera accueillant pour elle, mais dans le Sud, ses habitats sont ravagés par les nouvelles pratiques agricoles et la disparition des bosquets dans les champs. Bientôt il n'y aura plus de cette merveille sonore. Et dire qu'il y a encore des imbéciles qui la chasse pour la manger.

J'en ai mis une trentaine de secondes, mais j'en ai enregistré durant une bonne vingtaine de minutes, de ces trilles, de ces arpèges répétés avec des rythmes et des hauteurs différentes. Elle était cachée et je n'ai pas tenté de la débusquer. Je ne voulais pas que la merveille de ce chant s'arrête.

Si je me fie à la météo, elle restera à L'Auberge une bonne semaine. Je vous le jure, je vais retourner au concert de la cantatrice voyageuse.