Chocolat!

On sait maintenant que le breuvage des dieux n'a pas pour origine le cacahuatl Nahuatl, mais au moins 1000 ans plus tôt le kakaw Olmec. C'est la même région du même pays, juste un temps différent, et la passion pour l'expérience sensorielle la plus complexe qu'on puisse vivre.

J'en parle parce que j'ai eu la chance de gouter la première crème de Criollos de cette année, ce sera une année remarquable. Comme pour les vins nouveaux, on fait des crèmes hâtives pour que les marchands puissent acheter à l'avance les récoltes de l'année, pour une livraison un peu avant Noël et un peu avant la St-Jean pour la plus part des pays producteurs.

J'oubliais, il y a en gros, 3 variétés de cacaos cultivées. Le forastero, bien adapté à la transformation industrielle et qui représente 80% de la production mondiale, les experts vous diront que l'arôme est puissant mais pas subtil et très amer, il doit donc être beaucoup sucré. Les trinitarios (10 %) subtils, large et puissant, mais plus difficile à traiter industriellement, et enfin, le fin du fin les Criollos(4-5%), les vrais cacaos tel que cultivés depuis la nuit des temps, par les gens qui le cultivent depuis la nuit des temps. Notons que le mot Criollos a la même origine que le mot Créole et veut dire le vrai, l'original. La fabrication des pâtes à partir du Criollo est plus difficile mais...

On pourrait dire que le chocolat, c'est comme le vin. Le cépage, le terroir sont très importants, mais aussi le cuisinier. On réussit maintenant à faire des trucs buvables avec des jus médiocres, mais on réussit aussi à tuer des jus remarquables pour correspondre à une « demande » dont on ne sait ni qui ni comment elle peut être aussi peu respectueuse de son origine.

Personnellement ce sont les criollos du Yucatan qui ont ma préférence. La pâte en est souvent orange-rougeâtre, la saveur puissante et large, avec au moins 4 goûts entre la mise en bouche, et le souvenir. La longueur est exceptionnelle, parce que comme pour la coca, les stimulants bloquent les papilles gustatives pour de longues minutes. Je sais bien qu'il se mêle à cette préférence des amitiés, des souvenirs, un grand amour. Mais cela n'enlève rien à la qualité du produit.

Pour maximiser l'expérience, il est préférable de se préparer la bouche avec un très bon porto, et après la petite bouchée de la nourriture des dieux. Le mot délice prend alors son vrai sens : un objet d'affection, d'amour.

On me dit que la société italienne Amadéus vend en Europe les criollos de « Chuao » une région du Vénézuela très réputée. Je me doute bien qu'une seule bouchée doit couter une grosse journée de travail, mais c'est certainement une expérience dont on se souviendra toute une vie.