L'acculturation

Parfois, il y a des mots de l'enfance qui nous console, parfois il laisse un grand vide.

Bombarde et biniou, la voix grave d'un chanteur, une émission de radio nous présente du folklore breton. Tout à coup, je reconnais un air, et parfois il me revient un mot, mais ce n'est pas du breton, ce n'est pas du français, c'est une langue qui n'existe plus. Ce n'est plus la voix grave, mais une petite voix, la voix vieille et tremblante de ma grand-mère qui dit des mots que je ne comprends plus, qui chante une chanson douce pour calmer le grand drame d'un enfant de trois ou quatre ans.

Ce n'est pas étonnant que ma grand-mère connaisse un air breton, les marins pêcheurs fréquentent nos côtes depuis plus longtemps que les livres d'histoires n'en parlent. Et puis beaucoup de ces hommes ont fui la misère et la domination des nobles et se sont mêlés aux gens d'ici, pour la liberté ou pour les yeux d'une belle. Ces marins ont appris nos mots et ont traduit leurs chansons.

Mais ces mots se sont perdus, il y a trop de fils de coupés dans le tissu de ma vie, et je me retrouve nu devant les malheurs de ce temps.

« À la claire fontaine... j'ai perdu mon amie pour un bouton de rose que je lui refusai... » Il n'y avait pas de roses dans les forêts du nord. « il pleut, il pleut bergère... rentre tes blancs moutons... » Pas de moutons et encore moins de bergères...

« Au clair de la lune, mon ami Pierrot » excuse-moi vieux Monsieur Lune, je ne chanterai pas cette chanson paillarde, j'ai trop de respect pour Toi et tes douces fileuses.

L'acculturation, c'est quand remonte les larmes de ton enfance, mais plus de mots pour te consoler.