Mon ami Hélis

Une reprise en souvenir d'un vrai ami. C'est écrit pour une jeune ami de 10 ans.

 

Je connais depuis très très longtemps un béluga très spécial... disons presque 40 ans. Hélis s'appelle comme ça parce qu'il a une grosse marque d'hélice derrière la tête, il y a un hors-bord qui lui a passé dessus quand il était tout jeune, trop jeune pour se méfier de ces petits bateaux qui font beaucoup de bruit et qui vont très très vite. Il a été chanceux parce que cela aurait pu être mortel, mais non il en est sorti après une grosse année où il a été malade. Aussi il n'a pas grandi aussi vite que les autres bélugas de son age et qu'il était un peu bizarre...

Faut dire que les garçons bélugas sont plutôt turbulents, qu'ils aiment bien se chamailler, faire la course et toutes sortes de bêtises, si bien qu'ils vivent en bande un peu à l'écart des filles et des adultes. Et puis ils passent leurs temps à s'empiffrer et à manger tout ce qu'ils rencontrent parce que pour être un beau garçon béluga il faut être plutôt gros. Mais Hélis n'était pas comme les autres. Lui il s'intéressait à tout ce qu'il voyait, il étudiait les petits poissons plutôt que de les avaler sans se poser de questions, il aimait connaitre. Alors les autres, se payait un peu sa gueule, et les filles le traitaient de "maigrichon", ce qui est une grosse insulte pour un béluga.

Parfois, il faisait de gros efforts pour se mélanger aux autres, faire comme tout le monde, être comme tout le monde, mais quand on est pas comme tout le monde ça paraît, alors les autres bélugas parfois étaient méchants avec lui, Hélis faisait des énormes colères, il criait et cassait des trucs... mais ça ne règle rien, il restait un béluga pas comme les autres.

Moi, je suis devenu rapidement ami avec Hélis, parce que je ne suis pas un ours comme les autres, j'habite trop au sud pour avoir un vrai beau poil, et puis en vrai, je ne suis pas assez gros, je ne suis pas assez fort, alors je ne voulais pas aller me chamailler avec les autres jeunes ours. J'aimais mieux aller avec mon ami béluga qui m'apprenait toutes sortes de trucs sur ce qui se passe dans la mer. Et puis nous parlions de voyage, on rêvait d'aller loin, de voir d'autres mondes... de fait on rêvait d'avoir un monde avec une place pour nous, pour pouvoir vivre ce que nous étions.

Et puis, j'ai du quitter le Fleuve, aller en ville, et comme là j'étais encore plus différent et pas plus heureux, alors je suis parti pour aller très très loin au Nord, pensant que je pourrais être là-bas un ours comme les autres. Tu t'en doutes bien, ça n'a pas été meilleur, et il a bien fallu que je tente d'apprendre à être heureux avec ce que je suis, même si ce n'est pas vraiment facile.

Quelques années plus tard, absolument par hazard, je tombe sur un journal où on parle de mon ami Hélis. C'est en anglais mais si tu veux je pourrai traduire:

Ça m'a fait un grand coup au coeur d'entendre parler de mon vieil ami, et je me suis dit que j'étais un imbécile d'être resté si longtemps sans lui parler et qu'il fallait que je le vois tout de suite, d'autant plus que le journal disait qu'il était peut-être malade. Il fallait que je revoie mon ami.

Je l'ai retrouvé. Il m'a expliqué qu'il avait un énorme voyage de 6000 kilomètres, remonté le fleuve Delaware et c'était rendu jusqu'à Washington parce qu'il espérait parler à cet imbécile de président Bush qui veut faire la guerre à d'autres humains, il voulait savoir pourquoi! il voulait l'empêcher de continuer à faire des bêtises aussi stupides que tuer des gens pour leurs voler le pétrole. Mais les gens assez stupides pour tuer comme ça, ne vont pas voir les bélugas, ne vont pas les écouter quand ils ont quelque chose à dire.

J'étais tellement content de retrouver mon ami comme il était avant, maigrichon oui, toujours à chercher à comprendre, toujours aussi en colère contre la bêtise, toujours un béluga pas comme les autres... mais je pense maintenant un béluga heureux. Il sait qu'il n'est pas comme les autres et plutôt que de perdre son temps à essayer de faire comme tout le monde, il préfère maintenant être ce qu'il est, vraiment ce qu'il est et complètement ce qu'il est.

Maintenant on ne l'appelle plus le maigrichon, mais Hélis le sage... et les  mères de clan les plus célèbres comme les chefs de chasse vont le consulter parce qu'il connait la mer mieux que tout le monde. Je ne suis pas un grand savant comme lui, mais je sais maintenant que je peux être moi-même, il m'a trouvé une place pour que je puisse vivre ce que je suis même si je suis différent.