La remise à bateaux

J'ai fermé la remise à bateaux. Il est tombé une toute petite neige, juste pour me faire croire que c'est Noël, juste pour que je ne sois pas trop triste.

Oui, j'ai fermé la remise à bateaux. Le sailfish grimpé contre le mur, le 420 caché sous le catamaran, les planches à voile sur les crochets muraux, Les bicyclettes sur les crochets au plafond, les outils de jardinage à leurs places. J'ai oublié la bonbonne de gaz, mais je vais y retourner demain.

Bien sûr, ça fait beaucoup de tapage. Madame Apistanouk habite le grenier. Elle était très en colère qu'on ose perturber sa sieste comme ça. Elle courait partout se demandant qui osait, jusqu'à ce qu'elle sorte un peu pour voir qui osait!!!! Quand nos yeux se sont croisés, j'ai tout de suite compris le drame. Elle m'a jeté le regard le plus noir qu'elle pouvait et est retournée chez elle.

Je crois qu'elle est très jalouse. Deux ans d'efforts, deux étés qu'elle tente par tous les moyens de m'apprivoiser. Et au moment où elle croyait avoir réussi, voilà que je la laisse tomber pour une martre parisienne, qui n'a presque pas de poil et qui en plus marche ridiculement toujours sur ses pattes de derrière. C'est la grosse crise de jalousie. Ça va me couter des fortunes en boites de sardines pour qu'elle accepte mes excuses.

A l'étage d'en dessous ( très bas de plafond) il y a madame Apicilu, la très gentille voisine noire et blanche qui nettoie le sol du jardin des gros vers gris et autres cochoncetés. J'essaie de lui apprendre à boucher les trous qu'elle creuse, mais elle me dit qu'elle me laisse ce boulot. Il faut bien que je sorte un peu et que je m'active. Je n'apprécie pas du tout ses allusions à ma bedaine et mon taux d'activité... mais si je me fâche avec elle, j'aurai à faire en plus le boulot qu'elle fait alors... Je ne vois pas pourquoi les gens ont si peur d'elle, c'est vrai qu'elle peut sentir très très mauvais quand elle veut, mais elle a plutôt bon caractère je trouve. Un peu comme un chat mais qui servirait à autre chose que détruire les meubles et réclamer sans cesse de la bouffe.

Voilà, la porte est fermée. Je pars jeudi matin pour la ville. Je n'ai plus du tout de sous, et il faut que j'aille en fabriquer. Mais très franchement, je ne veux pas. Un dernier billet demain, avant quelques jours, le temps de me réinstaller.