Moukmouk de Pohenegamouk

Le drame s'organise... on voit quelques têtes de caribous qui sortent d'entre les arbres, tout là-bas, très loin... ils regardent et inspectent qu'il n'y a pas d'obstacle sur le lac. Personne n'est dupe. On sait ce qui se prépare, mais sans doute il faut payer le prix de se passage, l'important c'est qu'ils soient le moins lourd possible. De plus en plus de caribous sur le lac, il doit bien y en avoir deux cents. Plusieurs font des allers-retours sur la neige, comme s'ils allaient chercher les retardataires pour les forcer à se presser. La harde se serre en un groupe plus compact.

Regarde bien comment les caribous se regroupent... les jeunes qui vont et viennent devant d'un pas nerveux ne font que vérifier si la glace est bonne et surtout taper une piste, quand la course se déclenchera... puis vient les vielles mères des clans, elles connaissent les routes et il faut les protéger... après ce sont les jeunes qui portent des petits, elles sont toutes en un groupe très compact, puis les petits de l'année qui seront sacrifiés s'ils ne savent pas courir assez vite, après les adultes mâles et femelles n'ayant pas de petits, c'est ceux-là que nous chasserons. Et pour finir, les vieux qui courent moins vite... mais ils ont aussi l'expérience des combats, si les loups ne sont pas coordonnés, il est bien possible qu'ils s'en sortent. Enfin, si nous n'étions pas là... c'est un obstacle de plus et ils devront attendre plus longtemps pour que la harde se sauve... sans doute trop longtemps. 

Mains-de-Feu remarque qu'il y a des mouvements qui semblent désordonnés dans le groupe, mais que chacun tente de trouver sa vraie place. Un peu plus en avant, mais pas trop parce qu'il faut laisser un peu d'espace aux petits, sinon, ils risquent d'être piétinés. Il se retourne pour regarder le filet, quel filet ? Le vent a fait son œuvre, on ne le voit plus du tout. La Soleil est un peu descendue du ciel, il reste encore quatre ou cinq heures de lumière. Et puis tout à coup, tous ces petits déplacements au sein de la marche générale s'accélèrent, il n'y a pas de course, juste une certaine agitation. Il demande au maitre :

–) Ont-ils senti que nous sommes là ? Et si oui, pourquoi iraient-ils dans notre piège ? Pourquoi ne gagnent-ils pas la forêt chacun de son coté pour se regrouper après ? Et surtout pourquoi ne courent-ils pas maintenant avant que les loups ne déclenchent la chasse?

-Ça fait bien des questions, mais les réponses sont toutes liées. Ça fait déjà quelques minutes que les premiers nous ont senti, mais maintenant toute la harde a reçu l'information, tu as toi-même senti l'agitation monter. Ça ne sert à rien de courir avant que les loups ne partent en chasse. L'avantage des loups est de chasser en groupe, aussi fuir maintenant sera probablement se jeter épuisé dans la gueule de loups tout à fait près à la course. Le caribou court plus vite que le loup, c'est pour cela qu'il y a encore des caribous et des loups. Et puis là où il y a des caribous, les loups ne sont jamais très loin. Ça sent toujours le loup pour les caribous, ils apprennent à contrôler cette peur particulière. Mais la vraie question est pourquoi rester groupé... pourquoi ne pas se disperser dans la forêt et se regrouper après ? Simple pourtant, courir seul dans la neige profonde c'est risquer de se blesser sur un obstacle, de se casser une patte, de se perdre, bref toutes des façons de mourir stupidement. Comme les humains, un caribou vit par et pour son groupe, sans son groupe, sa vie n'a pas de sens, il meurt rapidement. C'est vrai pour tout ce qui vit, même les ours qui semblent solitaires vivent dans un monde d'odeurs et ils se parlent entre eux de cette façon. Attention, les premiers caribous sont à cinq cents pas de notre piège, Kinahant va lancer la chasse très bientôt..