Une rencontre étonnante

Comme toujours

Lundi : jour de rédaction. C'est pas le boulot qui manque, mais malgré toutes mes tentatives, rien. Le chien Platon me signifie que plutôt que glander devant l'ordinateur, vaut mieux sortir. Je ne trouverai peut-être pas l'inspiration, mais certainement des couleurs sous ce soleil magnifique.

Pour tout dire, j'ai même tenté d'écrire par surprise, mais ma flemme est plus rusée que moi aujourd'hui, elle est la reine de la procrastination. Ça ne peut être moi le coupable, étant un travailleur acharné, disons que si ce n'est pas ma flemme, c'est le chien qui exige d'aller dehors. Il faut avoir un chien sous la patte, on peut l'accuser de tous les mots de la terre et il continue à nous aimer. Oui bon, j'ai eu une compagne aussi, qui m'accusait de tous les maux de la terre, mais je vis plus longtemps qu'un chien.

On va au parc! je n'ai pas eu à me poser la question, Platon veut aller à la chasse aux écureuils. Comme je ne crains pas vraiment pour les écureuils, j'accepte d'autant plus volontiers qu'il y a des bancs confortables et une ombre très douce, et c'est assez proche de ma définition du bonheur aujourd'hui. Ce que c'est bien, il y a tout près une haie qui fleurit jaune avec une odeur de presque gingembre, mais un peu plus sucrée. Il y a un arbre, et certainement des écureuils.

Mais plutôt que de partir dans sa chasse aussi frénétique qu'infructueuse, Platon se plante devant la haie, et incline la tête d'un coté puis de l'autre comme s'il voulait comprendre une phrase complexe. Ha oui! j'entends moi aussi!

Bon, il y a une corneille qui veut à tout prix se mêler de la conversation, mais pour l'essentiel je comprends. Et je suis franchement étonné que peut bien faire un troglodyte des marais dans un parc à Montréal? Comme son nom l'indique, c'est un habitant des marais et en ville peu de chance de trouver des marais. Mais en plus la limite nord de son aire nidification habituelle est à 50 kilomètres au sud de Montréal. Sauf que j'ai beaucoup fréquenté la RNF St-François où on le rencontre assez souvent.

Comme les autres troglodytes, c'est un gros oiseau d'une dizaine de grammes. Gros parce qu'il n'a peur de rien, et qu'il chante assez fort pour remplir une maison. Et comme la plupart des troglodytes, il a des moeurs sexuelles bien complexes et intéressantes. Contrairement au merle d'Amérique qui travaille très fort à surveiller le territoire pendant que madame se tape le boulot, monsieur T. Desmarais, passe l'essentiel de son temps à construire de nombreux nids et à chanter. Dans son territoire, il peut y avoir facilement une vingtaine de nids, une douzaine qui servent de leurres et d'espace de repos, et les autres pour des dames couvant la progéniture. Même si des couples se forment pour de longues périodes, les troglodytes ne sont pas très fidèles (ils seraient plutôt très infidèles). Alors, madame préfère les mâles qui chantent très bien et ceux qui construisent les plus beaux nids. Comme ce n'est pas nécessairement le même qui chante bien et qui est bon constructeur, elle acceptera les faveurs de plusieurs de ces messieurs en faisant bien attention à ce que ses aventures ne soient pas connues du constructeur de nid. Mais dans un marais, la densité des plantes permet généralement d'être discret.

Donc un bon constructeur de nid pourra avoir cinq, six voir huit conjointes tout en étant 8 fois cocu content. Il arrive que le cocu apprenant la vérité ne soit pas content et qu'il jette en bas du nid les oeufs de la dame pas assez prudente. Je vous jure que bien installé dans un kayak échoué dans les longues herbes d'un marais, on voit des films d'amour qui dépassent de loin la complexité des scénaristes d'Hollywood.

Juste au nord de Montréal, il y a de belles iles marécageuses qui pourraient devenir des refuges pour troglodytes. Mais même si notre copain actuellement dans la haie se rendait jusque-là, je doute qu'il réussisse à chanter assez fort pour que des dames viennent le rejoindre. C'est un peu dommage, j'aimerais qu'on entende partout ce si bon chanteur.