La fête de l'Ours
vendredi 1 février 2019, 20:11 Lien permanent
La Chandeleur c’était la fête de l’ours. Je ne parle pas des grands blancs, mais des petits bruns du sud de l’Europe. C'est une reprise de circonstances.
Il faut relire le poème de Mistral :
A la Candelouso, l'ourse fai tres saut
Foro de soun trau :
S'es nivo, s'envai ;
Se fai soulèu, intro mai
E sort plus de quaranto jour.
C’est cette tradition occitane qui est à l’origine de l’histoire de la marmotte en Amérique. Parce que l’ours brun d’Amérique, c’est le grizzly, ursus horribilis, et même s’il ne pèse que 300 kilos ( la moitié d’un mâle ours polaire), il n’y a personne qui a idée d’aller le réveiller pour lui demander le temps qu’il va faire. Sûr qu’il va faire mauvais pour les 2 prochaines minutes, après ça n’a plus d’importance. Il y a aussi les petits noirs ( 150 kilos) qui sont de toutes sortes de couleurs, et qui au Canada ne se lèvent pas avant le 15 avril. Le 2 février c’est le milieu du rêve.
Oui c’est la fête du petit brun d’Europe, mais il n’y a plus de petit brun. Et c’est bien difficile d’avoir le cœur à la fête quand l’ami est disparu. Avec son caractère enjoué, son goût pour les festins, son habilité à la danse, je suis persuadé que les bruns d’Europe préféreraient qu’on fasse la fête en souvenir, qu’on boive et qu’on danse pour laisser partout l’odeur douce du bonheur, que beaucoup d'humains sont trop infirmes pour sentir.
Plus qu’être plantigrade comme l’homme, d’aimer fêter et rire comme lui, l’ours se sert efficacement d’outils, ouvre des portes et des pots, et partage avec ses congénères ses connaissances à travers un complexe langage basé sur l’odeur plutôt que les sons. Non, il était, il aimait, il se servait, il ouvrait, il partageait. Plus jamais il ne le fera, il est trop tard.
Bien qu’essentiellement un végétarien, sa force et sa vitesse lui donnait la responsabilité du prédateur. Il avait la responsabilité de maintenir l’Équilibre, d’empêcher qu’une espèce prenne le pas sur les autres et détruise le monde. Il a été négligent, il a failli, et il en est mort. Cela ne change rien au principe de l’Équilibre.
Il y a aussi les derniers rapports du GIEC. Le jugement est sévère et clairement ce n’est pas un non-lieu. La culpabilité des humains est certaine. Il n’y a plus d’ours pour nous dire le temps qu’il fera, mais nous le savons: un sale temps avec d’énormes tempêtes, des sécheresses qui diminueront la capacité de production alimentaire, une élévation du niveau des mers.
Mais, il faut aussi apprendre de l’ours la joie du sentier, le plaisir de continuer, de faire la fête. La joie se cache dans les choses très simples, dans le plaisir de donner, plutôt que d’accumuler. Il n’y a plus d’ours pour célébrer la vie, il faut danser à sa place. Oui nous avons le devoir d'être beau, heureux et de danser.
Commentaires
Bonjour Moukmouk,
Tu fais partie de mes lectures depuis longtemps et je suis toujours proche de tes écrits, de tes pensées et analyses. Ce texte me touche particulièrement. En plus de ce qu'il recèle de vérité, je le trouve très beau, poétique et empreint de mélancolie et de tristesse. Merci à toi pour tous tes mots.
Wow! Merci Floriane... c'est pour cela que j'écris, mais ça fait un bien fou de te lire.
Quel beau texte!
Et quelle tristesse pour l'ours brun...
Merci Moukmouk pour ce si beau texte, mélancolique et si touchant . Hélas si vrai !
Ginou- Charlottine
Merci merci Nanouk et Charlottine. Et cela ne s'améliore pas au contraire. J'ai très peur pour nos enfants.
Bonjour Moukmouk,
je me fais vraiment un plaisir de revenir sur ton blog que j'avais délaissé pour de multiples raisons sans pour cela t'oublier
J'aime toujours autant te lire. J'espère que tu vas bien et que la température n'est pas trop frette dans ton Canada !