Oui cela finira bientôt

Difficile de parler d’autres choses quand il fait –38. J’ai l’impression que ça bloque certaines fonctions du cerveau et qu’on fait des fixations.

C’est, on s’en doute, un record. Il fera –44 cette nuit. Mais il ne faut pas trop pleurer, ça gèle et c’est dangereux pour la peau. Samedi, il fera +5 et ce sera la fin de l’hiver, le printemps va pouvoir venir ici aussi. Et à ceux qui m’accusent de propager un optimisme délirant, je réponds que ça fait 4000 ans qu’on survit ici, ce n’est pas cette fois-ci qu’on va nous faire disparaître. Enfin, j’espère.

Une copine me demande comment on doit s’habiller pour survivre à cela. La technique du multicouche est très recommandée. Mais le vrai secret, d’une veste en duvet avec un capuchon très profond. Notre respiration crée une petite zone d’air moins froid (parce que chaud, il ne faut pas rêver) près du visage. Il faut aussi être sûr que le capuchon ne sera pas rabattu par le vent. Alors, on s’attache un foulard de laine autour de la tête à la hauteur du nez et de la bouche. Oui, il se formera de la glace, qui prendra dans la barbe, mais c’est un moindre mal.

L’opération chargement de la neige continue. Les travailleurs sont dans des énormes camions des souffleuses gigantesques ( fraises que vous appelez cela je crois), et tout un régiment de niveleuses et pelleteuses décorées comme des arbres de Noël et qui jouent à qui grondera le plus fort. Ils sont bien au chaud. Sauf pour le petit monsieur devant, le signaleur, qui manipule deux lampes de poche pour gérer les opérations. Marcher à –44 toute une nuit, j’avoue, il faut un peu plus que bien savoir s’habiller.

J’y penserai la prochaine fois que je trouverai terribles et épuisantes les interminables réunions qui font une bonne partie de mon gagne-pain.