l'arrogance des Français

C'est une réponse à un papier du site Slate.Fr. J'espère bien avoir quelques arrogantes réactions de ces Français arrogants.

J'ai la chance d'être québécois. Si je suis perdu à Paris, je peux demander à ma route à tout le monde... on commence par ignorer l'importun, mais dès qu'on a entendu mon accent, voilà que le sourire s'éclaire et qu'on me renseigne avec gentillesse. L'Information est rarement juste, merci à Sainte-Geneviève, mais au moins, on me perd avec la plus grande civilité. Je suis peut-être une bête rare, mais j'aime les français plus que la France, et les Parisiens plus que Paris, parce qu'une fois, la barrière rébarbative (celle qui éloigne les barbares comme moi) traversée, je rencontre plus facilement qu'ailleurs des humains qui doutent et se questionnent ouvertement.


Cependant, votre analyse historique pêche parce qu'elle ne prend pas en compte la principale caractéristique psychologique des Français (enfin ceux que je connais): la très difficile relation à l'autorité. Avez-vous remarqué que personne n'a voté pour ce dangereux voyou ( dixit la revue Marianne) qu'est Sarkozy, et pourtant il a été élu avec une forte majorité. Tous les Français ont des postes de responsabilité. Chaque Français sait que c'est grâce à lui si l'entreprise survit parce que ses crétins de patrons ne comprennent rien à rien. Il connait l'Histoire et l'Art mieux que quiconque et peut interpréter aussi bien les sculptures du onzième siècle que les graffitis les plus récents. Même s'il ne connait que les vins de sa région d'origine, il sait qu'ils sont les meilleurs du monde et est en mesure de nous le démontrer. Je ne m'en plains pas et me laisse convaincre jusqu'à l'ivresse.


La France est un pays où gifler sa femme est sujet de plaisanterie et battre ses enfants la preuve qu'on prend leur éducation au sérieux. Ici, ça vous ouvre toute grande les portes de la prison. La conséquence est de ne pouvoir considérer l'autorité avec respect et analyse. l'autorité c'est le père, on y obéit par peur de la claque, mais on maugrée et proteste dès qu'il n'est plus en vue. Ça explique en partie l'extraordinaire productivité des entreprises françaises, et la difficulté de traduire cette productivité en profit.


Le Français voit facilement en son vis-à-vis une autorité possible, un père potentiel. Il importe donc de se situer tout de suite comme le maitre, l'expert, l'autorité enfin comme le supérieur de l'autre pour éviter de recevoir la claque qu'on mérite peut-être. Résultat, on négocie agressivement un espace vital où les deux pourront se prétendre très légèrement supérieur à l'autre, marquant son approbation par un léger désaccord (E. Carrère). Pour l'Anglais, ce manque de civisme, cette marque de mépris, ne peut-être considérer que comme une déclaration de guerre. Pour l'Américain chez qui la seule valeur se mesure en dollars, les réactions de ce poulet outré sont incompréhensibles parce qu'elles se servent pas à dire qui est le plus riche.


Pour Moi, dont l'Église a dit que je n'avais pas d'âme (Valladolid) et dont les anthropologues du début du vingtième siècle classent comme la race la plus inférieure, j'accepte avec plaisir ce père potentiel qui a tant à m'enseigner sur l'Histoire, les Arts et surtout les plaisirs de la table. Content de voir leur supériorité affirmée, on passe rapidement aux vraies questions qui font que les humains sont intéressants.


J'aime encore plus les Françaises. Je les écoute avec ravissement. Elles dont la parole n'est que si rarement considérée, je les écoute vraiment me parler d'elles, de leur vie, de leurs difficultés et de leurs charmes. Je les écoute avec d'autant plus de plaisir qu'elles font tout le boulot de me séduire, et mieux, elles réussissent parfaitement. Il ne me reste plus qu'à plonger dans le bonheur de leurs bras grands ouverts.


Les Français ne sont ni hautains ni méprisants, ils ont besoin comme le coq de chanter fort pour établir un territoire de survie, une protection contre la gifle de l'autorité paternelle. Il y a une loi bannissant le châtiment corporel. Je crains cependant que la punition soit tellement ancrée dans les mœurs, que cette loi passe inaperçue. Ce sont les enfants battus qui battent leurs enfants.

Bien sûr, il y a d'autres raisons, les petits Français ne sont pas que des enfants battus. Le sol, l'odeur des vaches et le vin doivent bien y être pour quelque chose. Mais ne pas tenir compte de cet immense problème avec l'autorité, nous empêche de les aimer comme ils le méritent.