Encore la loutre

Petit matin brumeux comme presque tous les matins de cette fin de saison. J’ai l’impression que le soleil veut sortir à travers toute cette brume. Peut-être que je le désire tellement que je l’imagine. Mais je dois marcher.

A quoi peut bien servir d’habiter la forêt si on reste enfermer dans la maison. Je n’en peux plus, il me faut retourner faire une marche. Je ne forcerai pas, pas question de monter la montagne, juste marcher quelques kilomètres jusqu’à la plage de mon amie la loutre.

Je crois bien que c’est cela la vraie raison, je m’ennuie de cette gentille dame. Je veux savoir si après plus d’une semaine elle se souvient encore de moi, et si ce n’est pas de moi, au moins de mes sardines. C’est long une semaine dans la vie d’une loutre.

Il faut bien prendre son temps pour approcher. Il y a un petit promontoire où je peux voir toute la plage. Elle est là, je suis tout fébrile, mais pas question de lui faire peur avec mon enthousiasme. Et puis je remarque qu’il n’y a pas une, mais deux boules de poils près d’elle. Elle réussit bien à les cacher, je croyais qu’elle n’avait qu’un bébé.

Bon, il s’agit de s’approcher lentement. Ne pas l’effrayer, mais pas question non plus d’arriver à pas discret comme un prédateur s’approchant pour l’attaque, vraiment non seulement avoir l’air, mais sentir très fort que je suis une vieille connaissance allant à sa rencontre. D’habitude je m’assoyais sur la plage et j’attendais qu’elle sorte de l’eau, mais aujourd’hui le processus est différent. Que se passera-t-il?

Elle pousse une série de cris qui font disparaître les bébés, et puis elle me chante sa chanson, presque à l’identique que la dernière fois que je l’ai vu : je n’ai plus qu’à m’asseoir à ouvrir la boîte de sardines et attendre qu’elle s’approche.

Elle ne s’approchera pas autant que les dernières fois, mais c’est normal, c’est moi qui a pris de la distance.

En revenant, il y a eu des trous dans le couvert de brume et il y a eu des traînées d’une drôle de dorure dans la montagne. Comme de trop vieilles guirlandes de Noël sur un arbre synthétique miteux qui alterne les verts trop verts avec des gris délavés. C’est vrai il est bien tard, je devrai bientôt partir.