Et de un
mardi 14 août 2007, 01:27 General Lien permanent
Dieudeschats et Meerkat me refile un questionnaire. Cinq questions vraiment importantes, alors il me faut du temps pour répondre. Une par jour, ça vous va? Pour la première question, j'ai l'impression que presque tous les billets de ce blog sont le début du commencement d'une réponse.
1 - Quand tu penses à Pohénégamouk, qu'est-ce qui te vient tout de suite dans la tête ?
Ce qui me définit. Je suis de Pohénégamouk plus que je ne suis vivant. La vie qui est ici me dépasse et m'inclut. Il m'a fallu presque quarante ans pour le découvrir, mais maintenant c'est pour moi une chose certaine. Disons plutôt que c'est la seule chose vraiment certaine et qu'en comparaison tout le reste est flou et douteux.
Il y a 4800 ans, des humains ont franchi la crête et sont descendus dans la vallée, en poursuivant des caribous. Enfin je dis des caribous, c'était peut-être les derniers mammouths laineux, mais l'avenir était au Nord, comme maintenant, comme toujours.
Le paysage était différent. Les montagnes qui avaitent été un milliard d'année avant les plus hautes du monde, étaient maintenant de simples collines. Le glacier qui ici avait mesuré plus de 3 kilomètres d'épais, ne les avaient non seulement rabotées, mais aussi les avaient écrasées. La barrière de glace à 50 kilomètres plus à l'est, faisait le lac plus haut de 20 mètres. Alors oui c'était une vallée, mais une très douce vallée dans la toundra. C'était le grand lac Madawaska, deux cent kilomètres de long, plus de 1500 kilomètres pour faire le tour de toutes les baies et les anses.
La barrière de glace a sauté il y a 3 800 ans. Le temps est devenu plus doux, les montagnes regrandissent, la toundra est devenue taïga, puis forêt boréale. Le feu est plusieurs fois passé. La forêt de feuillus a pris la place il y a 250 ans...
L'homme blanc est arrivé il y a 90 ans, il a tué tous les caribous, brulé la forêt, mis des clôtures et affirmer que cette terre qui est sorti de la glace il y a 4000 ans lui appartenait.
Je ne possède certainement pas cette terre, c'est cette terre qui me possède. Je n'ai de sens que parce qu'elle est vivante, parce qu'elle est ma vie.
Commentaires
Merci de répondre Moukmouk. Quel bonheur tu as de pouvoir vivre là où tu ressens ton appartenance. Se sentir partie prenante d'une terre, d'un espace donne un sentiment d'unité, la vie devient plus cohérente. J'ai connu ça enfant, vivre sur une terre qui était ma vie, et tu as raison, c'est une certitude qui nous emporte.
Sur la forme, c'est exactement ce que j'avais l'intention de faire de mon côté, répondre à une question par jour. Après tout c'est de l'intime, ça le mérite bien.
Sur le fond,... quand je lis ça je ressens comme une attraction-répulsion. Comme toujours, je me sens appartenir à mon pays (pas mon état ni ma nation, hein, ne confondons pas) tout en refusant de le vivre vraiment. Toi, tu le vis. Et c'est troublant de lire ça. Comme une vérité lumineuse, infiniment simple.
le jour où je découvrirais "mon endroit à moi", tout le restant pourait rester flou, je sens que ça n'aurait pas d'importance. Et pourtant, j'ai le vague sentiment que je suis pas encore prête, l'idée de découvrir un jour où je serais bien, prête à faire partie intégrante de cet endroit, me laisser prendre par cette terre m'angoisse, je ne sais pas pourquoi, sûrement simplement parceque je ne l'ai encore pas ressentie.
Il fait encore beau maintenant ou c'est l'automne ?
Je me sens comme natilin, rêvant à la fois de me sentir un jour chez moi et en même temps totalement effrayée par l'idée d'un lieu "terminus".
Je suis un mélange de plusieurs terres, elle sont toutes d'exil. Je ne peux aménager un appart de manière définitive parce que j'ai la sensation que je devrai en partir un jour. Je trouve merveilleux de se mêler ainsi à un territoire que je ressentirais ou qui me construirait. C'est peut être ce qui est si magique dans ce que tu nous livres de ta terre.
Ceci étant dit, aux antipodes de ton pays froid, me voici dans le désert de pierre marocain à siroter le thé à la menthe. J'ai parfois l'impression de me sentir chez moi ! Pas de belle endormie parce que sous ce soleil de plomb, rien ne peut se reposer mais une nature sauvage et dévorante. Je comprends enfin qu'on puisse être possédé par une terre, celle-ci ne quittera pas mes semelles !
C'est beau de pouvoir appartenir à un endroit
Tu as la chance d'avoir des racines ancrées dans la terre, tandis que nous sommes pour la plupart nés de l'hydroculture...
Quand je te lis,je sens vraiment qu'il me manque quelque chose..........