Moukmouk de Pohenegamouk

Samedi matin semble bien un matin comme les autres. Le lac qui se refroidit la nuit emet une brume pas vraiment dense, la nuit n'a pas été très froide, mais assez pour brouiller le regard, rendre flou le miroir du lac, prouver qu'il n'y a rien d'autre que cette douce paix avant que le soleil ne traverse la montagne.

Derrière la ouache, il y a un magnifique pic maculé qui se cherche un petit déjeuner. C'est un oiseau qui ne chante que très rarement. J'ai peu d'exemples de sa voix. Tout à coup que ce matin, il trouverait une raison de pousser la sérénade... alors je pars à tout hazard l'enregistrement, prend mon café et descend vers le quai.

J'ai beau être calme, et croire que je ne fais pas de bruit, un grand héron qui pêchait là, m'a entendu et s'envole. Dans la petite brume c'est davantage l'idée de l'oiseau qu'il me laisse, en s'envolant lourdement. Ces énormes ailes produisent un petit sifflement que le calme du matin me permettent d'entendre... je suis bien.

Et puis j'entends derrière moi, non pas le chant du pic que j'espérais, mais le cri d'un aigle. Enfin ce n'est pas tout à fait cela, c'est trop faible, et puis ça n'inspire pas la vrai terreur que ce cri doit provoquer. L'aigle crie pour paralyser de peur les petits proies qu'il cueille au sol. Je me dis que ça doit être un bébé, à son premier vol où presque et qui est tombé dans un arbre et appelle désespérément sa mère. Je ne veux pas qu'il ait peur, je monte le plus doucement possible, contourne la maison et...

Je vois ce coquin de moqueur-chat tout fière de son mauvais coup, voler vers le micro dont il connait très bien l'emplacement et me faire une série de sonneries diverses, qui n'a qu'un seul sens possible : je t'ai bien eu... je t'ai bien eu!

Pour un cadeau pareil, je suis prêt à être le didon de la farce. Oui, ça vaut la peine de se lever le matin.