Des fins de la vie
vendredi 16 novembre 2007, 17:31 General Lien permanent
Comment meurent les grands animaux? Non, malgré sa quête acharnée de la mort, ce n'est pas l'homme qui tue directement tout ce qui vit. Il y a encore des vieux qui meurent. Vieil Ours, vieux corbeau, vieil humain, s'éteindre. Un hommage à la vie.
Ma vieille Maman s'est éteinte à 97 ans, après un Noël particulièrement réussi, une toute petite fête de famille sans grand éclat, mais sans doute son souhait le plus cher. Sa vie tenait à presque rien après tout ce temps, toutes ces épreuves, mais elle avait tellement lutté toute sa vie, que j'en venais presqu'à croire, qu'elle allait vaincre la mort. Son médecin traitant a laissé tomber une petite phrase qui m'a beaucoup fait réfléchir: « la plausibilité du suicide augmente avec l'age ». Le choix de mourir, d'arrêter la lutte parce qu'elle devient trop douloureuse.
J'ai déjà fait un billet sur la mort de l'ours noir. Et heureusement, j'aurai l'occasion de le faire encore plusieurs fois. Je viens d'apprendre que la population d'ursus américanus se porte très bien, autour de 75 000 au Québec, ce qui représente probablement juste un peu plus que l'équilibre avec les ressources que le territoire peut produire. Mais maintenant ils ont accès à une manne nouvelle les déchets des humains, et ils en profitent. Les petits noirs font parti des animaux les plus intelligent et les plus habiles de la planète. Des animaux aussi intelligents contrôlent leurs populations.
Un vieux chasseur m'a raconté ce vieil orignal énorme, magnifique, un panache à trente pointes, un roi, qui a boité vers lui, s'est couché et demandait la mort. Une très vilaine fracture ouverte à la cuisse, probablement une pierre tombée d'une falaise, devait le faire énormément souffrir. Le vieux loup comme le vieil Inuk savent aller s'endormir sur la glace quand il n'est plus possible de suivre le groupe. Ils ont la chance d'avoir le froid comme ami quand il n'est plus possible de continuer.
Ce billet n'a rien à voir avec une incitation au suicide, ce serait plutôt le contraire. Continuer la vie est le sens de la vie. C'est généralement ceux qui n'ont pas compris cela qui veulent en finir avant qu'il ne soit temps. Mais quand avoir célébrer la beauté du monde, avoir fait sa part pour la dire et la continuer, chaque être vivant à le droit de rejoindre l'unité du monde dans la dignité. Il s'agit non seulement d'un choix mais d'une façon de continuer la vie.
Commentaires
Oui, dans la dignité, et pourtant cela nous est refusé...
Le mot "dignité" est le plus important, j'ai parfois l'impression qu'on en a oublié le sens.
Je n'ai rien à ajouter, juste dire que ton billet me touche beaucoup.
Moi.. la mort (des autres) me fait horriblement peur.. c'est même pire qu'une peur, c'est une phobie. Peut être est-ce parceque je n'ai pas eu d'éducation à ce sujet.. je devrais en demander aux loups et aux ours.. ils ont certainement bien des choses à m'apprendre !??
Merci cher Ours pour ce billet plein d'émotion.
Je crois que c'est un poète suisse, dont le nom m'échappe, qui disait "c'est parce que tout doit finir que tout est si beau."
En cherchant un peu, j'ai trouvé une page qui présente une sélection de textes sur la fin de vie qui m'ont paru tout à fait en accord avec ton billet déjà si bien rédigé : agora.qc.ca/biblio/mort.h...
tu parles de 2 choses très différentes - le suicide par désespoir psychologique, par détresse totale, résultat d'un état dépressif, et le choix d'aller vers la mort quand la fin du chemin approche de toutes façons, cas où la personne peut être tout à fait équilibrée psychologiquement...
chacun est libre de faire ce qu'il veut (ou pas) de sa vie. le problème c'est qu'avec l'âge, souvent, on devient dépendant, et on n'est plus le seul à décider de ce qui est bon pour nous. parfois on ne fait même plus partie de la décision *du tout*...
la société dans laquelle nous vivons, qui éloigne de la vie "active" tout ce qui a trait à la maladie et la mort, diabolise celle-ci, veut absolument l'éviter. c'est oublier que nous sommes des êtres sensibles et que dans la nature comme tu le décris nous aurions pu aller mourir tranquillement sans que personne ne nous demande de comptes...
éloigner la mort, l'éviter, c'est se comporter comme si nous étions éternels. et tiens donc, c'est dans la droite ligne de la surconsommation chronique dont souffre notre société...
Dodinette--) non, je pense parler de la même chose.... du sens de la vie qui contient la fin de la vie. Ceux qui ne peuvent participer au sens, pour quelques raisons que ce soit, veulent partir avant le moment, mais quand c'est le moment cela fait partie aussi du sens, de la dignité de partir.
Kinka--) merci... je connais assez bien les gens de l'Agora. Je m'oppose souvent à eux, mais je les respecte aussi grandement. Cela m'a donné l'idée d'un billet... pourquoi la condamnation à mort de Socrate... je vais certainement revenir là-dessus.
Natilin--) il faudra certainement apprendre à faire face à cette réalité, c'est quand on connait le prix de la vie, qu'on peut en découvrir toute la saveur.
Meerkat--) merci, tes mots me touchent aussi.
Ton billet me touche beaucoup. J'ai eu du mal à me remettre de l'éducation religieuse reçue à l'école où la mort-châtiment était omniprésente...
Je ne dis pas que je suis sereine face à cette étape, mais moins hantée par les terreurs que l'on m'a inculquées.
Merci pour ce billet.
Un grand sujet la fin de vie qui me semble nécessaire de traiter avec autant de bonheur et d'attente que la naissance. Une fin de vie réussie comme vous l'exprimez si bien concernant votre maman me parait importante pour celui qui part comme pour tous ceux qui vont rester avec son souvenir .
Dans ma famille , nous avons l'habitude de vivre avec le partant jusqu'au dernier moment en organisant une présence constante même et surtout en milieu hospitalier .
Légiférer sur l'aide à apporter en fin de vie ne solutionnera rien puisque beaucoup de médecins se refusent à gérer ce moment qu'ils prennent pour un échec sauf dans les unités de soins palliatifs .
Je me demande d'ailleurs pourquoi cette formation( soins palliatifs ) n'est pas donnée à tous les médecins .
Etre laissée sur la banquise ou dans un établissement mouroir moderne sans personne , allez si j'ai le choix je préferre la banquise. Peut être aurai -je la chance de rencontrer le chaman inuk qui me prendra en charge pour mon dernier voyage !
j'espère me souvenir de ton billet le moment venu . je pense qu'il me sera une grande aide : rejoindre l'unité du monde dans la dignité . un beau programme
C'est un très beau billet...
Ceci dit, il y a suicide et suicide. Il y a celui de la personne âgée qui ne veut plus être maintenue (artificiellement) en vie, et il y a celui de la personne jeune qui n'est pas bien dans sa tête.
J'ai vécu les deux, on comprend le premier, pas le deuxième...
Sara--) je tente de le dire dans le dernier paragraphe. Continuer la vie est le sens de la vie. Il y a des jeunes très malades qui veulent en finir, et je comprends, il y a des jeunes qui ne comprennent rien à la vie et pour cela veulent en finir, et je trouve cela très triste.
Bey--) être à tout moment dans l'unité du monde dans la dignité, pas facile mais ça vaut la peine de tenter le coup.
Marianne--) Je pense que les soins palliatifs sont beaucoup plus largement pratiqués qu'on le croit, mais les médecins font très attention de ne pas aborder le sujet pour éviter que les cathos et autres intégristes tentent d'empêcher ce qui se fait déjà.
Fauvette--) Oui la mort-punition... C'est un non-sens qui empêche justement de se voir comme faisant partie de la vie, ou plutôt, c'est la justification pour se penser au dessus de la vie et donc de la détruire. Le dieu qui donne le monde à l'homme pour exploiter, c'est la justification de l'esclavage. Et voilà pourquoi je hais et m'oppose aux religions